La diffusion d’informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle est -elle sanctionnée ? Que faire en cas de divulgation d’informations personnelles sur les réseaux sociaux si vous êtes un personnel d’éducation ? Maître Florence Lec, avocat-conseil national de L’ASL, nous répond.

La loi N° 2021-1109 du 24 août 2021 a créé un délit de mise en danger de la vie d'autrui par diffusion d'informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle (article 223-1-1 du code pénal). Quels sont les éléments constitutifs de ce délit ? Comment, en pratique, est-il constaté et sanctionné ?

“ Le délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations personnelles est défini à l’article 223-1-1 du Code pénal(...). Pour que l’infraction soit caractérisée, il faut que plusieurs éléments constitutifs soient réunis. ”

Il faut rappeler que ce délit a été créé dans la douleur, à la suite du drame de l’assassinat du professeur Samuel PATY et ce, afin de protéger les personnes notamment celles en charge d’une mission de service public. Le professeur avait en effet été victime de la diffusion en ligne de ses données personnelles, notamment son identité et son lieu d’enseignement, dans un contexte de campagne de haine sur les réseaux sociaux.

Le délit de mise en danger de la vie d’autrui par diffusion d’informations personnelles est défini à l’article 223-1-1 du Code pénal, comme étant : « Le fait de révéler, de diffuser ou de transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne permettant de l’identifier ou de la localiser aux fins de l’exposer ou d’exposer les membres de sa famille à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer »

Pour que l’infraction soit caractérisée, il faut que plusieurs éléments constitutifs soient réunis : tout d’abord, l’infraction doit reposer sur l’acte de révéler, diffuser ou transmettre des informations relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne ; ensuite, ces informations doivent permettre d’identifier ou de localiser cette personne ou les membres de sa famille. Enfin, l’acte doit avoir pour finalité d’exposer la victime ou ses proches à un risque direct d’atteinte à leur intégrité physique, psychique, ou à leurs biens
Ce dernier point est d’ailleurs important car il doit être démontré que l’auteur de l’infraction a agi intentionnellement, c’est-à-dire avec la volonté que son acte expose la victime ou ses proches à un risque direct.

En pratique, la victime fera constater ces faits par des captures écran, un constat d’huissier mais lors d’une enquête, les agents de police judiciaire spécialisés peuvent intervenir, par exemple, dans le cadre de la captation de données numériques ou de la traçabilité des publications en ligne.
Le fait de mettre en danger la vie d’autrui par diffusion d’informations personnelles est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. On observe que les peines sont aggravées lorsque les faits sont commis au préjudice d’une personne chargée d’une mission de service public, puisqu’elles sont portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Le « Name and Shame » (nommer et blâmer) qui consiste à révéler publiquement l'identité d'une personne ou d'une organisation afin de la discréditer ou de la critiquer pour ses actions (réelles ou présumées) est une pratique légale (utilisée parfois même par les institutions). Quelles sont les différences et les nuances entre cette pratique et la divulgation de données personnelles dans l’intention de nuire (doxxing) ? Peut-on dénoncer quelqu'un sur les réseaux sociaux si l'information partagée est parfaitement vraie ?

“ Le « Name and Shame » et le doxxing sont deux pratiques qui impliquent la divulgation d'informations sur des individus ou des organisations, mais elles diffèrent par leurs intentions, leurs effets et leur légalité. ”

Le « Name and Shame » et le doxxing sont deux pratiques qui impliquent la divulgation d’informations sur des individus ou des organisations, mais elles diffèrent par leurs intentions, leurs effets et leur légalité.

Le doxxing désigne la pratique qui consiste à révéler, diffuser ou transmettre, par quelque moyen que ce soit, des informations personnelles, telles que des données relatives à la vie privée, familiale ou professionnelle d’une personne, permettant de l’identifier ou de la localiser. Cette divulgation a pour objectif de mettre en danger la personne concernée ou les membres de sa famille en les exposant à un risque direct d’atteinte à leur intégrité physique, psychologique ou à leurs biens. La pratique du doxxing est sanctionnée en droit français par l’article 223-1-1 du Code pénal comme nous venons de le voir.

Il faut préciser d’ailleurs que certaines pratiques associées au doxxing peuvent également relever d’autres infractions, telles que l’atteinte à la vie privée (articles 226-1 et suivants du Code pénal), qui réprime l’enregistrement, la conservation ou la diffusion d’informations touchant à la vie privée d’autrui sans consentement ; ou encore la mise en danger d’autrui (article 223-1 du Code pénal), si la diffusion des informations crée un danger immédiat pour la personne concernée ; mais aussi l’infraction de provocation publique à la commission de crimes ou délits (article 24 de la loi du 29 juillet 1881), notamment lorsque la diffusion vise à inciter à des actes violents contre la victime.

La pratique du « Name and Shame » est différente puisqu’elle vise généralement à attirer l’attention, à informer, souvent sur les réseaux sociaux, sur des comportements jugés répréhensibles ou contraires à l’éthique dans un but d’intérêt public, comme dénoncer des pratiques illégales ou immorales. Elle peut s’inscrire dans une démarche de transparence ou de sensibilisation. On retrouve très souvent cette pratique pour informer le public d’une condamnation judiciaire d’une personne notamment lorsqu’il s’agit d’infraction à caractère sexuel.
Cette pratique peut être légale si l’auteur respecte les limites posées par la loi, notamment en matière de diffamation et de respect de la vie privée.
Dans ces conditions, il est tout à fait légitime de se demander si l’on peut dénoncer quelqu’un sur les réseaux sociaux si l’information partagée est parfaitement vraie. Il faut être prudent ! Attention au respect de la vie privée : le fait de partager une information, même vraie, peut constituer une violation du droit au respect de la vie privée si cette information relève de la sphère personnelle ou intime.
Il faudra également être vigilant pour que cette publication ne soit pas considérée comme diffamatoire, qui, je le rappelle, est le fait d’imputer publiquement à une personne un fait précis portant atteinte à son honneur ou à sa considération. Il va falloir prouver la vérité du fait diffamatoire et la loi prévoit des conditions très strictes (de délai, de forme, de justification, intérêt général ou pas…).

Comme vous le voyez ces questions demeurent très techniques, et il convient de se rapprocher de sa délégation de L’ASL qui au besoin orientera vers son avocat conseil.

Quels conseils donneriez-vous à un personnel d’éducation, d’accompagnement ou de soutien, victime d’une divulgation de données personnelles dans le cadre de ses fonctions ?

“ Je conseille de contacter rapidement L’ASL afin d’obtenir les conseils d’un militant qui orientera vers les premières démarches nécessaires à effectuer. ”

Comme nous l’avons vu, la divulgation non autorisée de données personnelles, que ce soit dans le cadre des fonctions professionnelles ou sur les réseaux sociaux, est une atteinte aux droits de la personne protégée par plusieurs textes.
Il conviendra dans cette situation tout d’abord de ménager la preuve, c’est-à-dire faire rapidement des captures écran et un constat d’huissier.
Il sera nécessaire d’informer immédiatement sa hiérarchie qui contactera sans délai le rectorat lequel pourra alerter les services du procureur de la République.
Dans des dossiers sensibles, que nous avons d’ailleurs eu à gérer à L’ASL, le pôle national de lutte contre la haine en ligne, crée depuis 2021 et qui a une compétence nationale sera saisi.
En tout état de cause, je conseille de contacter rapidement L’ASL afin d’obtenir les conseils d’un militant qui orientera vers les premières démarches nécessaires à effectuer avec la hiérarchie (faits établissement, demande de protection fonctionnelle etc…) ; L’ASL pourra ensuite orienter le personnel vers l’avocat conseil pour toutes démarches ou procédures judiciaires à engager si nécessaire.

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