Le Collectif ATSEM de France a été créé en 2016 via les réseaux sociaux. Au fil des années il s’est organisé en groupes de régions et rassemble actuellement plus de 14 000 membres. Il a pour but de permettre aux agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles de s’exprimer, d’échanger des pratiques, de s’entraider… Mélodie Maurel, ATSEM depuis 15 ans, est administratrice des régions des Hauts de France et des Pays de la Loire du Collectif. Entretien.

L’appartenance des ATSEM à la communauté éducative a été officiellement reconnue en mars 2018. Quel bilan peut-on faire sept ans après le décret de 2018 sur les missions des ATSEM ?

“ Point positif, le décret de 2020 relatif aux modules de formation continue a permis de plus en plus la mise en place de formations conjointes ATSEM/enseignant, surtout chez les TPS (toutes petites sections), visant à renforcer la qualité de l’accueil et l’accompagnement de l’élève, en lien avec la famille. ”

Malheureusement, depuis, on constate qu’il n’y a eu aucune évolution réelle, qu’elle soit statutaire et/ou financière. Si les ATSEM sont invités aux conseils d’école (quand la direction accepte de le faire), leur rôle reste uniquement consultatif. Les ATSEM ne sont pas conviés lors des rendez-vous des équipes de suivi de scolarisation (ESS) chargées d’assurer le suivi des décisions prises par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH) de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) concernant les élèves handicapés. Ce qui est regrettable, car ces équipes sont composées de toutes les personnes qui concourent directement à la mise en œuvre du projet personnalisé de scolarisation de l’élève handicapé. Et bien que les ATSEM aient la charge d’enfants à profil particulier, ils n’en font toujours pas partie.
De plus, certaines mesures de la loi Blanquer de 2019 ont, dans leur application entraîné une surcharge de travail pour les ATSEM. C’est le cas de l’arrivée d’enfants entrant dans leur 3 année, pour beaucoup encore porteurs de couches. Les ATSEM se sont retrouvés à dispenser des soins plus proches du domaine des auxiliaires de puériculture.
Point positif, le décret de 2020 relatif aux modules de formation continue a permis de plus en plus la mise en place de formations conjointes ATSEM/enseignant, surtout chez les TPS (toutes petites sections), visant à renforcer la qualité de l’accueil et l’accompagnement de l’élève, en lien avec la famille. Ces formations communes permettent d’améliorer la communication entre les ATSEM et les PE (professeurs des écoles), dont on sait que la cohabitation n’est pas toujours simple et peut même parfois tourner au conflit.

 

 

Quels sont les risques spécifiques à la pratique de ce métier ?

“ Les ATSEM sont plus à risque de présenter des troubles musculosquelettiques (...) ainsi que des troubles auditifs, en raison du volume sonore continuel auquel ils sont exposés avec des enfants en bas âge ”

Les ATSEM sont plus à risque de présenter des troubles musculosquelettiques, compte tenu des charges qu’ils portent, des postures contraignantes liées à l’utilisation de meubles et d’équipements non adaptés à la taille adulte, ainsi que des troubles auditifs, en raison du volume sonore continuel auquel ils sont exposés avec des enfants en bas âge.
C’est un métier où l’on effectue bien souvent des journées continues entre l’accueil périscolaire, l’assistance du professeur des écoles, l’accompagnement des enfants sur le temps méridien, les activités, puis la garderie du soir. Cette amplitude horaire n’est pas sans conséquence, sans compter un manque d’effectifs qui ajoute du travail à un emploi du temps déjà hyper chargé, avec à la clé dépressions, burn-out…
Enfin, les ATSEM ont cette particularité de dépendre d’une double hiérarchie : le directeur d’école, durant le temps scolaire et l’autorité territoriale, sur le temps périscolaire. Cette double autorité peut parfois générer des difficultés lorsque l’enseignant, le directeur d’école et le maire ne partagent pas la même approche du métier d’ATSEM. On constate que l’ATSEM est ainsi particulièrement confronté aux risques de conflits, tant avec la hiérarchie qu’avec l’équipe éducative ou les parents. LES ATSEM sont également exposés au même titre que les AESH aux coups et blessures, aux insultes, notamment lorsqu’ils prennent en charge des enfants à besoins particuliers.
En résumé, un beau métier, aux missions variées, mais épuisant !

 

La formation des ATSEM est-elle suffisante, en particulier concernant la prise en charge des enfants à besoins particuliers ? L’école inclusive a-t-elle transformé le métier ? Comment améliorer la formation des ATSEM ?

“ La réalité terrain, c’est le manque de moyens humains ”

Les ATSEM ont la chance d’avoir accès à un catalogue riche et varié de formations grâce au CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale). Néanmoins, peu de choses concrètes nous sont proposées concernant la prise en charge des enfants à besoins particuliers. En revanche, nous bénéficions de formations à caractère psychologique, qui nous permettent de prendre plus de recul et nous aident à analyser nos pratiques, parfois aussi à nous remettre en question, ce qui est à mon avis indispensable pour travailler auprès de ces enfants.
D’autant plus que l’école inclusive a largement contribué à augmenter la charge de travail des ATSEM. La réalité terrain, c’est le manque de moyens humains. Dès la petite section, il est très difficile de bénéficier des services d’une AESH, car monter un dossier prend énormément de temps et les délais de réponse sont très longs. De plus, il est difficile pour les parents, et on peut le comprendre, d’accepter la différence de leur enfant. Là encore, c’est souvent l’ATSEM qui va pallier ce manque de moyens humains, alors même qu’ils ne sont pas toujours suffisamment formés aux handicaps, notamment les plus sévères.
Il faudrait objectivement ajouter une spécialité dite « maternelle » au baccalauréat professionnel ASSP (accompagnement, soins et services à la personne) afin de mieux orienter et former aux métiers de la petite enfance. Certes, le nouveau CAP AEPE (accompagnement éducatif petite enfance) a évolué avec des modules plus précis, comme le développement des besoins fondamentaux de l’enfant, mais il ne permet pas d’obtenir un diplôme de catégorie B. Les ATSEM sont donc « condamnés » à rester en catégorie C, sans aucune possibilité d’évolution de carrière.

Sources

Dans le même
dossier