1. Pouvez-vous nous expliquer votre rôle en tant que chef d’établissement dans la nouvelle organisation liée aux mesures pour lutter contre le COVID-19 ?

En suivant l’actualité de la propagation du virus COVID-19, nous avons, le proviseur adjoint et moi-même, décidé très tôt de mettre en place des mesures de précaution. Dès le début du mois de mars, nous avons instauré les règles et mesures sanitaires préconisées et avons annulé toute sortie ou rassemblement non indispensable. Par priorité pour être opérationnel en cas de confinement, nous avons mis en place l’infrastructure de télétravail, mis à jour les fichiers contacts des personnels et vérifié que chaque élève disposait d’une boite mail.

Au niveau logistique, il a aussi fallu anticiper. Pour notre cantine, qui sert 1000 repas par jour, nous avons commencé à limiter, dix jours avant la fermeture, les stocks et commandes de frais afin d’éviter le maximum de pertes.

L’aspect psychologique étant tout aussi important, nous avons tenté de diminuer le niveau anxiogène, en préparant tout un chacun à vivre le mieux possible cet enseignement à distance : réunion plénière avec les enseignants et réunion avec les parents d’élèves pour expliquer les nouveaux process qui pourraient être mis en place.

Cette anticipation, pour ne pas se laisser déborder en cas d’accélération de la pandémie, a été salvatrice, car quand l’ordre de fermer les établissements est tombé, nous étions prêts.

2. Comment vous êtes-vous organisé pour faire face à la gestion du confinement dans votre lycée ?

Après l’annonce du confinement, nous avons réuni professeurs et parents d’élèves pour une mise au point sur le déroulement de l’enseignement à distance. Comme nous étions déjà préparés, les premières consignes ont été rapides et claires. Dès le vendredi après-midi, la quasi-totalité des professeurs avaient déjà envoyé un mail aux élèves pour leur donner rendez-vous le lundi.
Certains problèmes ont pu également être évités par le dialogue organisé avec les enseignants en amont. Par exemple, sur l’utilisation et la maîtrise des outils numériques, tous les enseignants ne sont pas au même niveau. Spontanément, des collègues plus aguerris dans leur culture numérique ont proposé d’animer dès le lundi des formations virtuelles pour ceux qui en ressentaient le besoin, ce qui a été très efficace !

En tant que proviseur, mon rôle est de fluidifier et faciliter le travail des enseignants pour qu’ils puissent pratiquer l’enseignement à distance dans les meilleures conditions. Cela demande une présence quasi-constante et c’est pourquoi la décision de lisser le travail sur six jours et non pas cinq a été prise, à situation exceptionnelle, gestion exceptionnelle !

3. Comment s’est passée la gestion de cette première semaine d’enseignement à distance ? En quoi a-t-elle consisté ?

Le premier jour, nous avons eu de très nombreuses demandes concernant des codes perdus ou des déblocages de session. Il a donc fallu être très réactif pour permettre aux enseignants d’assurer leurs missions le plus vite possible.

Pour éviter les risques de saturation des différentes plateformes, nous avons également demandé aux enseignants d’utiliser l’outil avec lequel ils se sentaient le plus à l’aise, l’important étant que chacun puisse démarrer très vite et sans trop de difficultés le travail avec ses élèves ! Certains ont utilisé Pronote, d’autres Pearltrees ou encore Moodle…

Nous avons constaté une belle réactivité de tous les acteurs, et nous avons même pu finaliser les conseils de classe qui se sont déroulés sous forme dématérialisée. La culture numérique étant déjà bien présente dans notre établissement, toute cette organisation a été largement facilitée.

Les parents ont d’ailleurs fait le même constat lors de la réunion téléphonique avec l’association des parents d’élèves qui s’est déroulée en fin de semaine. Nous n’avons d’ailleurs pas manqué de partager ces retours positifs avec les enseignants !

4. Aujourd’hui, votre établissement reste ouvert. Qui est présent ? Et que font les personnels qui s’y rendent ?

La présence dans l’établissement est réduite au strict minimum et nous avons mis en place des mesures pour éviter tout contact ou risque de contamination. Avec le proviseur adjoint, nous avons décidé d’alterner notre présentiel dans l’établissement, trois jours chacun, un jour sur deux, et le reste du temps en télétravail. Chacun de nous utilise l’espace de travail de 8h à 14h maximum avant de le nettoyer et le désinfecter pour éviter toute exposition au virus pour le collègue qui sera présent le lendemain.

Le chef des travaux, qui s’occupe de la coordination de l’enseignement technologique, et la comptable viennent, quant à eux, de manière ponctuelle, selon la nécessité, en privilégiant au maximum le travail à domicile.

Enfin, il y a l’agent technique, hébergé dans l’enceinte du lycée et chargé de la veille technique et sécuritaire.

5. Quels sont les problèmes auxquels vous devez faire face ? Et les enseignants ?

Les premiers jours, ce sont évidemment des difficultés de connexion qui ont posé problème. Ces plateformes, qui ne sont initialement pas faites pour un afflux massif, ont été saturées au début mais, en moins de 48 h, les services de la région et du rectorat ont fait le nécessaire pour rendre les connexions fluides.

Concernant l’enseignement à distance, il s’agit de quelque chose de totalement nouveau pour chacun de nous. Nous apprenons tous, enseignants et chefs d’établissement, un « autre » métier, en tout cas qui se fait différemment, dans ces conditions spéciales.

Côté proviseurs, nous faisons de l’assistance par mail et par téléphone, même le week-end. Nous sommes toujours disponibles mais de manière différente. Pour les enseignants, il a fallu trouver un nouvel équilibre et réguler la quantité de travail de façon à ce que ce soit supportable pour les élèves. Tout cela est en train de s’ajuster, bien évidemment.

6. Comment voyez-vous les semaines à venir ?

La difficulté va être de gérer ce dispositif dans la longueur si cela s’avérait nécessaire. Cela risque de ne plus être supportable pour beaucoup. Il faudra garder la motivation et un rythme constant dans la durée.

Il y a, en effet, le risque de voir apparaître un phénomène de lassitude dans un contexte de perte de lien social. Et c’est, en partie, le rôle du chef d’établissement de faire en sorte que cela n’arrive pas, en gardant un lien fort avec ses équipes et en étant constamment disponible et présent auprès des enseignants et des CPE.

Cette période très spéciale est aussi, et malgré tout, riche d’enseignements. Il sera donc important de faire et d’avoir un retour d’expériences à tous les niveaux. Des bonnes pratiques pourraient se dégager et être intégrées dans notre fonctionnement « normal ». Les enseignants me font d’ores et déjà remarquer qu’ils apprécient cette multiplication des échanges, du lien et des initiatives de solidarité, que ce soit avec l’équipe de direction ou avec leurs collègues. Il faudra donc essayer de réinventer en partie nos liens afin de préserver le côté positif de cette expérience.