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Entretien avec une ergonome Sorties scolaires : comment mieux prévenir les risques ?Accident d’un élève dans un établissement scolaire : responsabilités
Les circonstances d’un accident d’élève à l’école
« Les circonstances de l’accident déterminent le ou les responsable(s). Il faut distinguer les situations où l’élève se blesse seul de celles mettant en cause un tiers. »
Une chute, une dispute ou encore un jeu dangereux : les situations à l’origine d’accidents en milieu scolaire sont diverses. Quand il en résulte des dommages corporels relativement importants, les parents ont tendance à rechercher un responsable.
Les circonstances de l’accident déterminent le ou les responsable(s). Il faut distinguer les situations où l’élève se blesse seul de celles mettant en cause un tiers.
L’accident implique un seul élève
En cours de sport ou de chimie et pendant la récréation, les risques d’accident sont avérés. Une simple chute dans des escaliers ou des brûlures lors de la manipulation de produits nocifs, par exemple, peuvent provoquer des blessures importantes. L’élève s’est blessé seul : a priori, il est le seul responsable. Les personnels d’éducation peuvent néanmoins être tenus responsables à plusieurs égards :
- Le personnel d’éducation peut être tenu responsable sur le fondement d’un défaut de surveillance. Les enseignants, en effet, ont une obligation de surveillance des élèves pendant tous les temps scolaires, et particulièrement dans le 1er degré(1). Le non-respect de cette obligation est constitutif d’une faute susceptible d’engager leur responsabilité.
En pratique, les juges tiennent compte de l’âge de l’enfant pour apprécier le défaut de surveillance. Dans un arrêt de la Cour de cassation du 12 mai 2009(2), par exemple, les juges retiennent la faute de l’institutrice au motif que la surveillance d’élèves doit être « active » en maternelle.
- L’école ou l’établissement peut être tenu responsable sur le fondement d’un défaut de sécurité. Peuvent être en cause des équipements défectueux ou des mesures d’encadrement insuffisantes. En effet, si une faute de surveillance est à l’origine de l’accident alors que le personnel encadrant n’est pas suffisant, c’est la responsabilité du directeur d’école ou du chef d’établissement qui est en jeu. On parle de « défaut d’organisation du service public ».
Quand du matériel défectueux est en cause – défaut du système de sécurité d’un support d’apprentissage ou d’une infrastructure d’EPS, par exemple –, l’accident relève de la responsabilité du fabricant. Les parents de l’élève blessé, toutefois, se retournent contre l’école ou l’établissement, qui se retourne ultérieurement contre le fabricant fautif.
L’élève accidenté est blessé par un camarade
Quand un enfant est blessé par un camarade soit involontairement dans une bousculade, soit dans une bagarre, c’est un élève qui est à l’origine de l’accident. Dans cette situation, plusieurs responsables peuvent être mis en cause :
- L’élève qui a causé les blessures d’un autre élève. En application du principe de responsabilité du fait d’autrui(3), toutefois, c’est la responsabilité des parents de l’enfant mineur qui est engagée devant les tribunaux. Leur assurance responsabilité civile prend en charge l’indemnisation de la victime.
- Les personnels d’éducation chargés de surveiller les élèves pendant que l’accident s’est produit peuvent être également tenus pour responsables, sur le fondement du défaut de surveillance. Dans cette hypothèse, les responsabilités sont partagées.
La responsabilité de l’État substituée à celle des personnels d’éducation
« En application de l’article L911-4 du Code de l’éducation, la responsabilité de l’État se substitue à celle des membres de l’enseignement public devant les juges civils. […] Si la responsabilité pénale est en jeu, les responsables répondent personnellement de leurs actes. »
Non-respect de l’obligation de surveillance ou défaut d’organisation du service public : les personnels dont la responsabilité est reconnue dans l’accident sont protégés.
En application de l’article L911-4 du Code de l’éducation(4), la responsabilité de l’État se substitue à celle des membres de l’enseignement public devant les juges civils. C’est-à-dire que les juges vont identifier les responsables, puis mettre à la charge de l’État l’indemnisation de l’élève victime si c’est un personnel d’éducation qui est en cause. Ce principe de substitution de responsabilité joue en faveur des enseignants d’écoles et d’établissements publics ou privés sous contrat. Pour les enseignants, ce système protecteur offre deux avantages concrets :
- Ils ne sont pas impliqués dans la procédure judiciaire, ils n’ont pas à comparaître devant le juge(5). Les enseignants évitent ainsi la pression psychologique d’une procédure lourde.
- Ils ne supportent pas les conséquences financières de l’accident. C’est l’État, en effet, qui indemnise l’élève victime. Dépenses de soins médicaux non remboursées, préjudice moral ou esthétique : l’enseignant ne peut être tenu au paiement de dommages et intérêts, peu importe la nature du préjudice.
La responsabilité civile de l’État est mise en œuvre en la personne du préfet, de la commune ou du recteur d’académie, selon les circonstances de l’accident.
La substitution de responsabilité ne joue qu’en matière de responsabilité civile des personnels d’éducation. Si la responsabilité pénale est en jeu, les responsables répondent personnellement de leurs actes.
Bon à savoir
Responsabilité civile ou pénale : quelle différence ?
En cas d’accident scolaire, les parents peuvent rechercher des responsables à deux égards :
- En matière civile, la recherche de responsabilité permet d’indemniser les préjudices. Quand des parents n’ont pas d’assurance scolaire spécifique, notamment, les dépenses de santé non remboursées par l’assurance maladie ni par l’éventuelle mutuelle peuvent être remboursées par la personne qui est reconnue responsable. Quand l’enseignant est reconnu responsable, c’est l’État qui paye.
- En matière pénale, la recherche de responsabilité vise à sanctionner l’auteur de l’accident. Dans ce cas, l’État ne se substitue pas à l’enseignant : ce dernier risque d’être condamné à une amende, à une interdiction d’exercer, voire à une peine de prison. Il assume personnellement la sanction.
En cas d’accident scolaire, les juges retiennent la responsabilité pénale des personnels d’éducation dans des conditions très restrictives. En cas de blessures ou d’homicide involontaire d’origine accidentelle, l’enseignant est responsable s’il a commis une faute exposant l’élève à un risque particulièrement grave(6).
Les cas particuliers d’accidents scolaires
« La cantine et le périscolaire ne sont pas considérés comme des temps scolaires. Dans la mesure où le personnel qui surveille les élèves pendant la cantine et le périscolaire est sous l’autorité de la commune, la responsabilité de la collectivité est en jeu.
Dans le cadre d’une sortie scolaire […] les élèves sont sous la responsabilité des personnels d’éducation. Leur responsabilité peut donc être recherchée en cas d’accident »
Les règles qui régissent le régime de responsabilité lorsqu’un accident survient en classe ou dans la cour de récréation, pendant un temps scolaire, ne sont pas nécessairement applicables dans le contexte où l’accident se déroule hors lieu ou hors temps scolaire.
- La cantine et le périscolaire ne sont pas considérés comme des temps scolaires. Les élèves, cependant, sont sous la surveillance d’adultes, considérés comme faisant partie du personnel de l’école ou de l’établissement. Dans la mesure où le personnel qui surveille les élèves pendant la cantine et le périscolaire est sous l’autorité de la commune, la responsabilité de la collectivité est en jeu.
- Dans le cadre d’une sortie scolaire, en dehors des locaux de l’école ou de l’établissement, les élèves sont sous la responsabilité des personnels d’éducation. Leur responsabilité peut donc être recherchée en cas d’accident. Le cas échéant, la responsabilité de l’État se substitue. En cas d’accident de la route pendant le transport de l’élève, c’est la responsabilité du transporteur qui est mise en cause.
Lorsque l’accident survient pendant une sortie scolaire organisée dans un lieu public et qu’il est causé par un équipement défectueux, le gestionnaire du lieu public peut être mis en cause. C’est ainsi que le Conseil d’État a rappelé, dans un arrêt de 2010(7), que la responsabilité d’une commune peut être recherchée en cas de défaut d’aménagement d’une piscine municipale.
- Pendant un stage en entreprise, le stage de 3e typiquement, l’élève n’est ni sous la surveillance des personnels d’éducation ni dans les locaux de l’établissement. C’est la responsabilité de l’entreprise d’accueil qui est recherchée en cas d’accident.
Que dit la jurisprudence sur le sujet ?
« Le simple fait pour un élève d’avoir un accident à l’école, au collège ou au lycée, ne suffit pas à impliquer les personnels d’éducation – et à engager la responsabilité de l’État. »
La surveillance des élèves dans les écoles et dans les établissements, ainsi que lors des sorties pendant les temps scolaires, doit être assurée de manière continue et attentive. La sécurité des élèves, en classe et en récréation, constitue en outre un enjeu central et une obligation légale. Cependant, le risque d’accident ne peut être complètement écarté, malgré des précautions accrues. Le cas échéant, les parents d’élèves et les tribunaux sont relativement indulgents lorsque le dommage survient de manière accidentelle. Zoom sur deux jurisprudences.
La nécessité d’un préjudice et d’une faute
Le simple fait pour un élève d’avoir un accident à l’école, au collège ou au lycée, ne suffit pas à impliquer les personnels d’éducation – et à engager la responsabilité de l’État. Les enseignants ont des obligations de surveillance et de sécurité, soit, mais dans une certaine limite. Les torts sont appréciés par les juges au cas par cas, eu égard à l’âge de l’élève victime, notamment. Il faut en tout état de cause prouver un préjudice, mais également une faute.
- Dans un arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes de 2016(9), le tribunal rappelle que « la circonstance qu’un élève subisse un dommage à l’intérieur d’un établissement d’enseignement ou à l’occasion d’activités organisées par celui-ci n’est pas de nature, à elle seule, à engager la responsabilité de l’État en l’absence de faute ».
La responsabilité pénale des enseignants atténuée en cas d’accident grave
Contrairement aux délits et aux crimes intentionnels, les accidents sont involontaires. L’intervention des enseignants, en outre, est indirecte : leur négligence, leur imprudence ou leur maladresse a contribué à créer l’accident. C’est pourquoi la responsabilité pénale d’un enseignant est atténuée, et rarement mise en cause.
- Les juges reconnaissent la responsabilité pénale de l’enseignant qui omet de fermer la fenêtre de sa classe, de laquelle un élève de 10 ans fait une chute mortelle. Il est condamné à une peine réduite(8).
Le conseil de L’ASL :
Comment réagir en cas d’accident scolaire ?
Quelles que soient les circonstances, les directeurs d’école et les chefs d’établissement ont la responsabilité de :
- Contacter un service d’urgence, et accomplir les gestes de premiers secours en attendant. Prévenir simultanément les parents de l’élève blessé.
- Respecter les formalités administratives, en préparant un rapport d’accident sous 48 heures.
- Mettre en place une cellule psychologique, si cela est jugé nécessaire eu égard aux circonstances.
Sources :
- Article D321-12 du Code de l’éducation : Organisation et fonctionnement des écoles maternelles et élémentaire
- Cour d’appel de Grenoble, 12 mai 2009, n° 07/01901
- Article 1242 du Code civil : La responsabilité extracontractuelle en général
- Article L911-4 du Code de l’éducation : Dispositions communes
- Cour de cassation, pourvoi n° 21-82.535, 2 février 2022
- Article 121-3 du Code pénal : Dispositions générales
- Conseil d’État, 4e et 5e sous-sections réunies, 10 février 2010
- Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 6 septembre 2005
- Cour administrative d’appel de Nantes, 3e chambre, 9 décembre 2016