Depuis quand êtes-vous adhérente à L’ASL ? Et pourquoi avez-vous choisi d’adhérer ?

« Dans l’école où j’exerce, tout le monde est adhérent. »

Mes parents étaient enseignants et adhérents à L’ASL. Dès que j’ai commencé ce métier, ils m’ont conseillé d’adhérer. Pour moi, c’était comme une évidence. Dans l’école où j’exerce, tout le monde est adhérent.

Pouvez-vous nous parler de la problématique à laquelle vous avez été confrontée ?

« La maman et l’ex-nounou ont distribué des tracts à la sortie de l’école dans lesquels elles détaillaient des atrocités que je faisais subir aux enfants, et invitaient à rejoindre une page Facebook qui demandait ma mise à pied. »

En 2022-2023, la classe s’est révélée difficile dès le début de l’année scolaire, même pour CP/CE1, avec des enfants aux comportements perturbateurs et violents physiquement, au point qu’un enfant a subi des morsures de la part d’un autre, et que la famille a porté plainte. J’ai dû mettre en place des mesures visant à rétablir l’ordre, et la situation a commencé à s’améliorer avant Noël.

En janvier, une dame, ancienne nourrice à la retraite, connue pour sa propension à « faire des histoires », se trouvait sans raison devant le portail de l’école. Elle a commencé à raconter qu’une collègue et moi-même nous amusions à vider le contenu d’un cendrier par terre pour embêter les parents. Il y a en effet un cendrier devant le portail pour les parents fumeurs. Et ce cendrier n’étant jamais vidé par les employés communaux, je le vide et je ramasse régulièrement les cendres et mégots qui s’envolent dans la cour. En entendant ses médisances, je lui ai dit qu’elle n’avait rien à faire là et lui ai demandé de partir. Cela a marqué le début d’un acharnement de sa part à mon égard.

Cette dame étant une élue de la commune, elle a profité d’un conseil municipal pour répandre sur moi des ragots selon lesquels j’étais dure avec les enfants, je les empêchais d’aller aux toilettes, je criais beaucoup, etc.

Dans la foulée, Mme la maire a écrit une lettre au directeur de l’école, dénonçant mon « comportement inapproprié ». Le directeur lui a immédiatement répondu par mail, lui reprochant de porter des accusations sans fondement. La maire s’est alors empressée de mettre en copie tous les élus dans un mail qui disait que je devais me faire soigner, et qu’elle n’en resterait pas là. Je signale que personne n’avait pris rendez-vous auprès de moi ou du directeur pour se plaindre de quoi que ce soit.

Au conseil municipal suivant, j’ai été le sujet central. Une personne de ma connaissance qui s’y trouvait m’a fait part des échanges par SMS. Mme la maire a fait un appel auprès des familles, invitant ceux qui le pouvaient à témoigner de mes exactions en classe : sévices, humiliations, etc. L’ex-nourrice a « recruté » une maman fragile qu’elle a manipulée, et ainsi est née une sorte de cabale. Assez incroyablement, répondant aux questions des parents, des enfants ont dénoncé des faits imaginaires. Un effet boule de neige s’en est suivi, la maman et l’ex-nounou ont distribué des tracts à la sortie de l’école dans lesquels elles détaillaient des atrocités que je faisais subir aux enfants et invitaient à rejoindre une page Facebook qui demandait ma mise à pied. Heureusement, des mamans bienveillantes ont fait des captures d’écran que j’ai pu verser au dossier. Quand la maman titulaire de la page a compris ce qu’elle risquait, elle a très vite fermé la page.

Comment a réagi votre hiérarchie ? Vous a-t-elle soutenue, en tant qu’enseignante victime de dénonciation calomnieuse ?

« L’inspecteur de circonscription […] m’a contactée pour m’apporter son soutien, tout comme la rectrice d’académie. »

Immédiatement, le directeur a scanné les tracts et les a envoyés à l’inspecteur de circonscription, qui m’a contactée pour m’apporter son soutien, tout comme la rectrice d’académie. En parallèle, le directeur a écrit un mail aux enseignants et aux parents faisant un rappel à la loi.

L’inspecteur a ensuite rencontré les parents pour expliquer que certains témoignages émanant d’enfants ne pouvaient être vrais, compte tenu de leur énormité. Par exemple, dans l’un d’eux, je soulevais de terre un enfant par les oreilles et le transportais ainsi jusqu’au seuil de la porte. Ce faisant, je lui donnais des coups de genou dans le dos et le fracassais au sol à l’arrivée. L’inspecteur a rappelé que recueillir la parole de l’enfant nécessite des professionnels formés. Heureusement, une ATSEM est présente en classe avec moi, j’avais donc un témoin de mon innocence.

À quel moment avez-vous pris contact avec votre délégation ? Et quelle était votre demande ? Quel a été l’accompagnement de L’ASL ?

« J’ai eu en ligne la collaboratrice technique pour un premier entretien. J’étais éprouvée et elle m’a longuement écoutée. »

J’ai contacté L’ASL dans les deux jours qui ont suivi la distribution des tracts. Le directeur m’a conseillé d’appeler pour être épaulée et accompagnée. J’ai eu en ligne la collaboratrice technique pour un premier entretien. J’étais éprouvée et elle m’a longuement écoutée. On s’est rappelée le soir même. J’avais besoin de savoir comment me défendre. Je voulais porter plainte, mais je n’avais aucune idée de la dénomination à donner à ma plainte, ni comment faire. Le jour même, le dossier était ouvert. Le lendemain, elle me donnait le contact d’un avocat-conseil. La délégation a été super réactive.

À quel moment l’avocat-conseil a-t-il été sollicité, et pourquoi ?

« La situation que j’ai exposée à la collaboratrice technique nécessitait un accompagnement pour déterminer le cadre juridique : était-ce de la diffamation ou de la dénonciation calomnieuse ? »

La situation que j’ai exposée à la collaboratrice technique nécessitait un accompagnement pour déterminer le cadre juridique : était-ce de la diffamation ou de la dénonciation calomnieuse ? J’avais aussi besoin d’aide pour déposer plainte. J’ai donc appelé l’avocat-conseil. Nous avons convenu d’un rendez-vous dans le mois. La situation devenait difficilement tenable à l’école, tout étant sujet à problème avec certains parents : la récré, les réprimandes, les activités… Il y a un vrai souci dans la société actuelle, toute limite posée à un enfant est perçue comme de la maltraitance ou de la malveillance. Aujourd’hui, je n’emploie même plus le mot « punition », trop connoté. C’est plus un « repos », un temps où l’enfant va se calmer, sortir de l’émotion, reprendre le contrôle de ce qu’il ressent et de ce qu’il vit.

J’ai donc rencontré l’avocat-conseil à son cabinet. Il a été très à l’écoute, très rassurant. Il a relu tout le dossier, m’a donné le cadre juridique, et a rédigé une plainte en mon nom auprès du procureur de la République contre la maire, la maman et l’ancienne nourrice pour dénonciation calomnieuse et intimidation à l’égard d’un agent en mission de service public. Il a également déposé une plainte pour cyberharcèlement contre la maman.

Où en est le dossier aujourd’hui ?

« Mme la maire, la maman et l’élue vont être auditionnées à leur tour. »

L’affaire avance depuis un an, et je viens d’être convoquée pour déposer plainte en mon nom auprès du commissariat. J’ai également été auditionnée voilà trois semaines. Mme la maire, la maman et l’élue vont être auditionnées à leur tour. J’ai envoyé le procès-verbal de ma plainte à l’avocat-conseil qui va me représenter et défendre mes intérêts. J’en avais discuté avec lui. Normalement, il devrait y avoir des sanctions envers les trois protagonistes, et je pourrais toucher des dommages-intérêts. C’est fou, car je me serais contentée d’excuses, mais elles n’ont jamais eu lieu.

On garde toujours des traces de ce genre d’évènements. J’ai été en arrêt de travail parce que je n’en pouvais plus. Et, à mon retour, beaucoup de parents inquiets ont posé des questions, par suite des ouï-dire. Même quand je serai lavée de toutes ces accusations, il y aura toujours de la suspicion. Heureusement, plus de parents ont pris ma défense que l’inverse, c’est une petite consolation.

Êtes-vous satisfaite jusqu’à aujourd’hui de l’accompagnement de L’ASL ?

« Je me suis sentie écoutée et soutenue à un moment où j’avais vraiment besoin de parler et d’être conseillée. »

Complètement. À L’ASL, les gens sont très engagés, ils ont à cœur de défendre les personnels d’éducation. Je me suis sentie écoutée et soutenue à un moment où j’avais vraiment besoin de parler et d’être conseillée. Ils ont été hyper réactifs et efficaces. Aujourd’hui, je n’ai plus de contact avec la délégation, mais l’avocat les tient informés à chaque étape. L’affaire suit son cours, et je me sens en confiance, je suppose que de toute façon il y aura une suite.

* Par souci d’anonymat, le prénom a été modifié