Les équipes éducatives en première ligne lors de harcèlement à l’école

Lors de la présentation du plan de lutte contre le harcèlement scolaire, le 27 septembre dernier, la Première ministre Elisabeth Borne a eu des mots forts pour dénoncer les conséquences des persécutions entre élèves. « C’est la peur, la honte, l’angoisse et parfois même l’irréparable. Se faire insulter, exclure, bousculer ou même frapper, c’est un quotidien qu’aucun adulte ne supporterait » a-t-elle résumé.

Ce sont ces violences répétées, physiques, verbales, ou psychologiques qui ont emporté Nicolas, Lindsay, Lucas et bien d’autres élèves avant eux. À chaque fois, le même choc, la même peine, la même incompréhension, pour la famille bien sûr… mais aussi pour la communauté éducative toute entière qui, alors qu’1 élève sur 10 serait concerné par le harcèlement à l’école, se sent souvent impuissante pour agir efficacement et répondre à la demande des familles de régler la situation au sein des établissements.

Dans ce combat, les personnels éducatifs sont en première ligne. Bien avant les réseaux sociaux, c’est au sein des établissements, dans les classes, dans les cours de récréation, lors des sorties scolaires, que se nouent ces drames du quotidien. À défaut d’en être forcément témoins, les équipes éducatives sont parmi les premiers interlocuteurs possibles pour les élèves victimes de harcèlement, et pour leurs camarades.

Sans formation, des personnels de l’éducation bien désemparés

Ces situations sont délicates, et la problématique complexe. C’est pour cela qu’au-delà des nouveaux dispositifs mis en place tels que la grille d’auto-évaluation, mais non nominative, il est impératif que les professionnels de l’éducation soient formés afin qu’ils soient capables de reconnaître et détecter aussi bien des faits de harcèlement, que des signaux de détresse plus ténus. Qu’ils sachent comment écouter, réagir, signaler et qu’ils puissent s’engager dans des réponses adaptées afin de garantir le bien-être et la sécurité des élèves.

Au-delà de l’impératif à protéger les victimes, il faut aussi pouvoir réagir collectivement et de façon appropriée. Sur ce point, une formation juridique est indispensable pour donner des repères solides et partagés aux différents acteurs. Que dit la loi ? Quelles sont les implications pour les élèves, les familles, et pour les personnels d’éducation ? Comment signaler un enfant en danger ? Comment repérer des faits de harcèlement ? Quelles sont les obligations pour les personnels ?

Initiale ou continue, cette formation doit permettre d’expliquer quel est, au regard des textes, le rôle de chacun. Il faut sécuriser les acteurs sur le cadre juridique dans lequel ils opèrent pour permettre une réponse efficace et coordonnée. Tolérer ce sentiment d’une responsabilité diffuse, mal définie, qui parfois prédomine, c’est au contraire retarder la prise en charge des situations… et accepter que d’autres drames se produisent.

Former les personnels au harcèlement scolaire, une promesse gouvernementale, certes… et ensuite ?

L’espoir d’un changement n’est pas vain : cette formation à la lutte contre le harcèlement scolaire, dont nous répétons ici l’absolue nécessité, figure dans le nouveau plan gouvernemental. La première ministre a assuré que l’ensemble des acteurs de la communauté éducative seraient formés d’ici à la fin du quinquennat. C’est un signal important, mais qui doit impérativement se traduire en actes.

Alors que l’on en demande toujours plus à l’École et donc aux personnels, la formation continue marque le pas. Non seulement celle-ci reste majoritairement concentrée sur les disciplines comme le français et les mathématiques, mais elle doit dorénavant se réaliser « hors du temps de présence devant les élèves » afin de ne « plus perdre d’heures [de cours] », selon les mots du président de la République lui-même. Une position relayée depuis par le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, qui nous paraît inadaptée à la réalité des métiers de l’enseignement.

En effet, si le harcèlement en milieu scolaire est une problématique d’importance, nous soulignons la contradiction qu’il peut donc exister dans cette volonté de modifier les dispositifs de formation.

Ainsi, plusieurs questions se posent : Quand et comment va-t-on pouvoir former les équipes éducatives sur ce sujet crucial du harcèlement ? Cela devra-t-il se faire sur un temps bénévole, sur des temps de repos, de congés comme c’est déjà parfois le cas ? Comptera-t-on une fois de plus sur la dévotion de celles et ceux qui, par engagement et passion de leur métier, donnent déjà sans compter pour non seulement éduquer, élever, construire les citoyens de demain mais aussi les protéger ?

Comme elles l’ont toujours fait, les organisations complémentaires et partenaires de l’École (associations, mutuelles, syndicats, …) prendront leur part dans ce nécessaire effort.

Pour l’heure, les réponses dont nous avons besoin appartiennent au politique. Nous attendons donc des décideurs qu’ils prennent… leurs responsabilités.