« La responsabilité civile vise à indemniser la victime d’un préjudice sous forme de dommages et intérêts. C’est l’État qui se substitue à l’enseignant pour payer les dommages et intérêts.
La responsabilité pénale vise à sanctionner l’auteur du préjudice, par une amende, une interdiction temporaire ou définitive d’exercer, voire une peine de prison en fonction de la gravité de l’acte. Dans ce cas, l’État ne se substitue pas à l’enseignant. »

 

Différence entre responsabilité pénale et civile

  • La responsabilité civile vise à indemniser la victime. En cas de préjudice subi par un élève, les parents saisissent le juge civil pour obtenir des dommages et intérêts. Le régime spécial de responsabilité civile du personnel d’éducation implique alors le mécanisme suivant : c’est l’État qui se substitue à l’enseignant pour payer les dommages et intérêts. L’État peut ensuite introduire une action récursoire pour être remboursé par l’enseignant(1).
  • La responsabilité pénale permet de sanctionner l’auteur du préjudice. Lorsqu’un enfant est victime d’une atteinte à son intégrité physique ou morale, les parents et/ou le procureur de la République déclenchent des poursuites pénales. L’enseignant déclaré responsable est puni, en fonction de la gravité de ses actes, d’une amende, d’une interdiction temporaire ou définitive d’exercer ou encore d’une peine de prison ferme ou avec sursis. Dans ce cas, l’État ne se substitue pas à l’enseignant : c’est l’enseignant qui paye l’amende, qui est interdit d’exercer ou qui est placé en détention. En revanche, les dommages et intérêts, le cas échéant, sont versés par l’État, puis éventuellement remboursés par l’enseignant.

 

« La responsabilité pénale du personnel d’éducation peut être mise en cause si :
• L’enseignant a lui-même causé le préjudice, volontairement ou à cause de son imprudence ou de sa négligence.
• Un élève est victime d’un préjudice causé par un autre élève, par lui-même ou par une chose. Dans ce cas, la responsabilité pénale de l’enseignant est reconnue dans des conditions strictes, protectrices de l’enseignant. »

 

Les différents cas où la responsabilité du personnel d’éducation est recherchée

Le régime de responsabilité pénale est prévu aux articles L121-1 et suivants du Code pénal(2). L’article L121-3 du Code pénal, modifié par la loi Fauchon du 10 juillet 2000, précise que la responsabilité de l’enseignant est atténuée lorsque sa faute est non intentionnelle et qu’elle a causé le dommage de manière indirecte.

La responsabilité pénale du personnel d’éducation peut être recherchée dans divers cas de figure :

1. L’enseignant attente volontairement à l’intégrité physique ou morale de l’élève

Dans cette situation, l’enseignant commet délibérément un acte qui cause un préjudice à l’élève.

Ce sont les hypothèses de coups et blessures volontaires sur un élève, d’harcèlement moral ou encore d’agression sexuelle.

2. L’enseignant met involontairement l’élève en danger par son comportement imprudent ou négligent

Le personnel d’éducation est tenu d’une obligation de surveillance de ses élèves. Dans ces conditions, les parents de l’élève victime d’un préjudice peuvent invoquer le comportement de l’enseignant sur le fondement d’une faute d’imprudence ou de négligence, ou d’un manquement à son obligation de sécurité, pour rechercher sa responsabilité pénale.

Cette hypothèse concerne les situations dans lesquelles le préjudice est directement causé par le personnel d’éducation, de manière involontaire.

Exemple : 

  • Le professeur de chimie ne prend pas les mesures de sécurité adaptées lors d’un exercice pratique, et un élève est grièvement blessé lors d’une manipulation de produits par le professeur. Le professeur peut être tenu responsable sur le fondement d’une faute d’imprudence, parce qu’il est directement à l’origine du préjudice.
  • Un professeur d’EPS blesse grièvement un jeune enfant en lui lançant un ballon. Sa responsabilité pénale peut être retenue sur le fondement de la faute de négligence.

3. L’enseignant n’est pas directement à l’origine du préjudice de l’élève

Ce cas de figure alimente considérablement la jurisprudence. Ici, l’enseignant n’a pas volontairement porté atteinte à l’intégrité physique ou morale de l’élève, et le préjudice de l’élève n’est pas directement causé par l’enseignant. La recherche de responsabilité du personnel d’éducation est complexifiée du fait du caractère indirect du lien de causalité entre la faute et le préjudice. Les juges apprécient alors la responsabilité pénale de l’enseignant au cas par cas.

Pour retenir la responsabilité pénale du personnel d’éducation dans ce cas de figure, il faut réunir 2 conditions :

  1. L’enseignant a créé – ou contribué à créer – la situation de l’accident de l’élève, ou n’a rien fait pour l’éviter.
  2. L’enseignant a commis une faute dite « caractérisée », qui a exposé l’élève à un risque particulièrement grave qu’il ne pouvait ignorer, ou a délibérément violé son obligation de prudence ou de sécurité.

Exemple : 

  • La responsabilité pénale de l’enseignant pourrait être recherchée sur le fondement d’une faute de négligence dans la situation où un élève blesse grièvement un camarade à l’occasion d’une bagarre dans la cour de récréation. Dans ce cas, en effet, il pourrait être reproché à l’enseignant de ne pas être intervenu pour interrompre la bagarre. Il est à noter que, le cas échéant, l’enseignant ne pourrait être sanctionné sur le fondement de l’infraction de coups et blessures, mais pour faute de négligence.
  • La responsabilité pénale de l’enseignant pourrait être recherchée sur le fondement d’une faute de négligence dans la situation où un élève est harcelé par ses camarades, au vu et au su de l’enseignant.
  • La responsabilité pénale de l’enseignant pourrait être recherchée sur le fondement d’une faute d’imprudence en cas de noyade d’un élève pendant un cours de natation, si la surveillance n’était pas assurée dans les conditions édictées.

En résumé, la responsabilité pénale du personnel d’éducation peut être mise en cause si :

  • L’enseignant a lui-même causé le préjudice, volontairement ou à cause de son imprudence ou de sa négligence. Prouver la faute suffit alors à engager la responsabilité pénale de l’enseignant.
  • Un élève est victime d’un préjudice causé par un autre élève, par lui-même ou par une chose. Dans ce cas, la responsabilité pénale de l’enseignant est reconnue dans des conditions strictes, protectrices de l’enseignant. En pratique : le juge évalue le lien entre la faute et le préjudice. Si le personnel d’éducation a causé le préjudice indirectement, la faute n’entraîne pas systématiquement la mise en cause de sa responsabilité : sa responsabilité pénale n’est engagée qu’à condition que sa faute soit particulièrement grave – on parle de faute caractérisée.

 

Jurisprudence : exemples de mise en cause de la responsabilité pénale des personnels d’éducation

Les violences physiques, psychologiques ou verbales excèdent le pouvoir disciplinaire de l’enseignant

La Cour de cassation, dans un arrêt du 7 novembre 2017(3), retient la responsabilité pénale d’une enseignante sur le fondement de l’atteinte à l’intégrité des élèves.

Les faits :

  • Une enseignante est condamnée à 1 an d’emprisonnement avec sursis et à 5 ans d’interdiction professionnelle sur le fondement de violences aggravées commises sur ses élèves. En l’espèce, l’enseignante était accusée d’avoir tiré les cheveux d’un enfant, de l’avoir puni dans le noir et de lui avoir placé du scotch sur la bouche.
  • L’enseignante se pourvoit en cassation. La Cour confirme que les actes intentionnels de l’enseignante constituent une infraction de nature à engager sa responsabilité pénale. Le pouvoir disciplinaire du personnel d’éducation ne l’autorise pas à exercer des violences.

L’enseignant déclaré coupable de violences aggravées ne peut être condamné par le tribunal civil à payer des dommages et intérêts

La Cour de cassation confirme, dans un arrêt du 3 novembre 2021, que le personnel d’éducation ne peut jamais être condamné à verser des dommages et intérêts aux parents des élèves victimes par un juge civil.

Les faits :

  • Un enseignant est déclaré coupable de violences physiques sur des élèves de son établissement. Il est condamné à 3 mois de prison avec sursis et à indemniser le préjudice des enfants à hauteur de 500 € par victime.
  • Saisie de l’affaire, la Cour de cassation rappelle que l’État se substitue à l’enseignant pour le paiement des dommages et intérêts, et que l’enseignant ne peut en aucun cas être condamné par le juge civil à indemniser les victimes. L’État paye et pourra exercer son action récursoire pour être remboursé. En revanche, la Cour de cassation, ici, ne remet pas en cause la responsabilité pénale de l’enseignant ni la peine de prison prononcée à son encontre sur le fondement des violences physiques.

L’enseignant mis en cause pour viols et agressions sexuelles sur des élèves peut être placé en détention provisoire

Dans un arrêt du 21 mai 2019(4), la Cour de cassation autorise que l’enseignant dont la responsabilité pénale est mise en cause pour viols agressions sexuelles soit placé en détention provisoire.

Les faits :

  • Des élèves de maternelle reprochent à l’instituteur des faits de viols et d’agressions sexuelles. L’instituteur, après audition des victimes et des témoins, est incarcéré provisoirement.
  • La Cour de cassation, saisie de la demande de mise en liberté, rejette le pourvoi. L’instituteur est gardé en détention le temps du procès pénal, jusqu’au jugement.

 

Nouveau call-to-action

Jurisprudence : exemples de mise en cause de la responsabilité pénale d’un enseignant suite à un préjudice causé de manière indirecte

Lorsque l’enseignant n’a pas directement causé le préjudice, le juge apprécie sa responsabilité en fonction des circonstances.

  • Dans un arrêt de la Cour de cassation du 6 septembre 2005(5), une élève de 10 ans décède des suites d’une chute par la fenêtre de la classe laissée ouverte par son instituteur. L’instituteur est reconnu coupable d’homicide involontaire. Le motif de la décision : l’instituteur, au fait du danger de la situation, aurait dû fermer la fenêtre. En s’abstenant, il s’est rendu coupable d’une faute caractérisée ayant exposée la jeune élève à un risque particulièrement grave qu’il ne pouvait pas ignorer. L’instituteur, en l’espèce, est condamné à 5 mois de prison avec sursis. Il est à noter que le Code pénal prévoit une sanction jusqu’à 3 ans de prison en cas d’homicide involontaire. Ici, les circonstances ont justifié une peine réduite.
  • Dans un arrêt de la Cour de cassation du 10 décembre 2002(6), un élève de CM2 décède suite à un jeu dangereux auquel il se prête seul dans les toilettes. Le juge ne reconnaît pas la responsabilité pénale de l’enseignante par rapport à la victime. Le motif de la décision : l’enseignante n’a pas commis de faute de surveillance directement à l’origine de l’accident, notamment parce qu’elle ignorait que l’élève se prêtait à ce jeu dangereux qui a provoqué son décès. L’enseignante n’a pas commis de faute caractérisée car elle ignorait le risque encouru par l’élève.

 

Le conseil de l’ASL
Lorsque votre responsabilité pénale est mise en question dans le cadre d’une enquête, suite à la plainte déposée par les parents de l’élève victime ou à l’initiative du procureur de la République, vous êtes cité à comparaître devant un juge pénal. Le procès pénal se déroule suivant les étapes de procédure classiques.
Les avocats-conseils de l’ASL vous accompagnent pour réunir les preuves utiles, plaider votre cause et prendre en charge les démarches procédurales – appel et cassation, notamment, et démontrer l’absence de faute caractérisée pour éviter la sanction pénale.

 

Sources :

  1. Code de l’éducation, Article L911-4
  2. Code pénal, Chapitre 1 : Dispositions générales (Articles 121-1 à 121-7)

  3. Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 7 novembre 2017, 16- 84.329
  4. Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 21 mai 2019, 19-81.727
  5. Cour de cassation, Chambre criminelle, du 6 septembre 2005, 04-87.778 
  6. Cour de cassation, Chambre criminelle, du 10 décembre 2002, 02-81.415