En l’espèce, la plaignante a saisi le Défenseur des droits au titre de sa mission de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité.
Dans le cadre de l’article 33 de la loi du 29 mars 2011, une instruction a été engagée auprès de l’association et de la commune, ce qui a donné lieu à la transmission et la communication de pièces et d’explications par la commune et l’association aux services du Défenseur des Droits. Ces derniers ont par ailleurs procédé aux auditions de la directrice de l’association et de la directrice générale des services de la commune.
À la suite de cette instruction, le Défenseur des droits a estimé que les témoignages recueillis et les éléments du dossier établissaient suffisamment la matérialité des agissements et a reconnu que les faits subis par la réclamante relevaient du harcèlement sexuel.
Face à la dénonciation de ces faits par la réclamante, le Défenseur des droits a en outre considéré que la commune et l’association n’ont pas satisfait à leur obligation de sécurité en matière de prévention et de protection contre le harcèlement sexuel et sexiste.
En conséquence, dans le cadre de l’article 25 de la loi du 29 mars 2011, le Défenseur a recommandé à la commune de :
- Procéder à la réparation des préjudices résultant du harcèlement sexuel subi par Mme X ;
- Prendre en charge rétroactivement les frais médicaux et de représentation liés à l’accident de service ;
- Étendre le dispositif de signalement aux agents mis à disposition ;
- Ne pas subordonner le bénéfice de la protection fonctionnelle à l’issue d’une éventuelle plainte pénale ;
- Recevoir plus régulièrement les agents mis à disposition pour échanger sur leurs conditions de travail.
Les apports de cette décision : le renforcement de la protection des agents publics territoriaux mis à disposition
“ (...) La protection fonctionnelle doit être accordée indépendamment des suites judiciaires. ”
Cette décision du Défenseur des droits apporte plusieurs éclairages importants concernant la protection fonctionnelle des agents publics territoriaux mis à disposition dans d’autres structures, comme une association :
L’accord de la protection fonctionnelle indépendamment des suites judiciaires
La réclamante avait bénéficié à sa demande de la protection fonctionnelle. Toutefois, celle-ci lui fut retirée par décision de la commune à la suite du classement de sa plainte pour « infraction insuffisamment caractérisée ».
Or, cette décision n’était pas une mesure appropriée selon le Défenseur des droits qui rappelle tout d’abord la jurisprudence du conseil d’État qui précise que la seule intervention d’une décision juridictionnelle non définitive ne retenant pas la qualification de harcèlement ne suffit pas, par elle-même, à justifier qu’il soit mis fin à la protection fonctionnelle (CE 1er octobre 2018, N°412897).
En outre, comme le relève la décision, au regard des éléments du dossier, le classement repose sur le principe d’opportunité des poursuites et non de la fausseté des faits dénoncés ou de la remise en cause de la matérialité des faits dénoncés.
En conséquence, le Défenseur des droits recommande à la commune de ne pas subordonner le bénéfice de la protection fonctionnelle à l’issue d’une éventuelle plainte pénale.
Cela signifie que la protection fonctionnelle doit être accordée indépendamment des suites judiciaires.
D’ailleurs, il est remarquable de noter que à la suite de la réception de la note récapitulative adressée par les services du Défenseur des droits, la commune a fini par accorder de nouveau la protection fonctionnelle à son agent !
La rétroactivité de la prise en charge des frais médicaux et de représentation
La décision du Défenseur des droits préconise la prise en charge rétroactive des frais médicaux et de représentation liés à l’accident de service.
Cette recommandation renforce le caractère protecteur de ce dispositif en couvrant l’intégralité des frais engagés par l’agent, même avant l’octroi formel de la protection.
Il convient de préciser en outre qu’après avoir reçu la note récapitulative du Défenseur des droits, la commune a accepté de reconnaitre l’imputabilité au service de l’agression subie par la réclamante !
Le bénéfice du dispositif de signalement étendu aux agents mis à disposition
Face à l’absence d’écoute et de soutien dénoncé en l’espèce par l’agent victime, le Défenseur des droits recommande d’étendre le dispositif de signalement et de traitement des cas de harcèlement aux agents mis à disposition dans d’autres structures.
Cette extension élargit là encore le périmètre de la protection fonctionnelle.
Pour la commune, cela nécessitera probablement une révision des procédures internes et potentiellement des ressources supplémentaires pour sa mise en œuvre.
L’obligation de suivi régulier des conditions de travail des agents
Ici encore, le Défenseur des droits relève qu’aucun obstacle ne s’opposait à ce que la commune décide d’entendre les agents qu’elle met à disposition de l’association, dès lors qu’elle demeure l’autorité compétente pour leur accorder la protection fonctionnelle.
La décision souligne dès lors l’importance de recevoir régulièrement les agents mis à disposition pour échanger sur leurs conditions de travail.
Cela implique une obligation de vigilance accrue de l’employeur public, même lorsque l’agent est mis à disposition d’une autre structure.
La réparation intégrale des préjudices subis par l’agent
Le Défenseur des droits recommande à la commune de procéder à la réparation des préjudices résultant du harcèlement sexuel et du manquement à l’obligation de sécurité.
Cela souligne l’étendue de la protection fonctionnelle, qui doit couvrir l’ensemble des préjudices subis par l’agent.
Cette décision renforce donc considérablement la portée et l’effectivité de la protection fonctionnelle pour les agents territoriaux mis à disposition.
Elle vient consacrer le Défenseur des droits comme « une vigie » de la protection de ces agents ; avec des pouvoirs certes non contraignants, mais qui peuvent se déployer auprès des juridictions et notamment administratives en cas de non-respect des recommandations qu’il adresse.