Pouvez-vous vous présenter ? Quel est votre parcours ?

Je suis entrée dans l’Éducation nationale dans les années 1990 en commençant par enseigner. J’ai rapidement été en charge d’une direction d’école, poste que j’ai occupé pendant une vingtaine d’année. Après avoir fait le tour des différentes actions en lien avec cette fonction, l’idée m’est naturellement venue de devenir formatrice. J’ai donc passé l’examen du Cafipemf1, qui m’a permis de devenir conseillère pédagogique.

J’exerce aujourd’hui ce métier depuis six ans et suis rattachée, avec une autre conseillère pédagogique, à une circonscription sous l’autorité d’un inspecteur de l’Éducation National. Ensemble, nous avons en charge un secteur qui comprend 46 écoles

 

Quelles sont les principales missions d’un conseiller pédagogique ?

Le conseiller pédagogique a plusieurs missions qui visent à améliorer la qualité de l’enseignement auprès des élèves. Notre rôle est de conseiller, d’accompagner, d’aider et de former les enseignants. Cela prend différentes formes.

D’abord par l’intervention en classe, et ce, plus particulièrement pour les enseignants débutants. Il s’agit de voir leur niveau de pratique, ce qu’ils font de correct et les appuis qu’ils ont déjà construits et acquis, mais également de repérer ce qui fonctionne moins bien pour les aider à l’améliorer.

Je m’occupe également de dispenser des formations pour tous les enseignants de la circonscription dont je suis en charge. Au regard des besoins observés par l’inspecteur dans le cadre de ses visites dans les écoles, nous déterminons en début d’année des thèmes de formation, proposés aux enseignants dans le cadre des 18 heures de formation auxquelles ils ont droit chaque année.

Enfin, je m’occupe du suivi des projets pédagogiques de la circonscription et des projets des écoles. Je suis là pour accompagner le directeur d’école et son équipe dans sa rédaction. Il s’agit de les aider sur les choix à faire en fonction des points forts et des points faibles de l’école, des envies de l’équipe aussi, et ainsi déterminer les actions les plus pertinentes qui seront mises en place.

 

Quelles sont les principales qualités requises pour exercer ce métier ?

Dans mon métier, je suis satisfaite lorsque j’arrive à répondre aux sollicitations des enseignants, leur apporter une ou des solutions pour les aider à surmonter leurs difficultés. En fait, il faut avoir envie de donner, de partager. Cela nécessite de se documenter dans des domaines très variés afin de mieux conseiller et accompagner. Lorsque j’arrive à donner aux autres l’envie de continuer à s’investir, je me sens à ma place.

Avec tout cela, il est nécessaire de bien « avoir la tête sur les épaules » et de ne pas se sentir supérieur à l’autre. Nous sommes vraiment l’égal des enseignants, c’est essentiel de le montrer. Enfin, la diplomatie et sans doute des compétences psychosociales sont bienvenues, car certaines situations peuvent parfois être difficiles…

 

Comment accompagnez-vous les enseignants au quotidien ? Et comment les informez-vous sur les innovations dans le domaine de l’éducation ?

Comme je le disais, le conseiller se rend très souvent dans les écoles afin de répondre au mieux aux préoccupations du moment. Cette proximité permet d’observer les enseignants, mais aussi de les questionner, d’échanger, d’analyser et de réfléchir ensemble sur les problématiques auxquelles ils sont confrontés. Cela permet de mettre en exergue leurs priorités, mais aussi de leur rendre visible ce qu’ils font de bien et de remarquable, car ils ne s’en rendent pas toujours compte. Ces bonnes pratiques peuvent ensuite être partagées auprès des autres enseignants ou avec les autres écoles.

Le conseiller se doit aussi d’être toujours au courant des dernières recherches et innovations. Les échanges en direct permettent de les transmettre afin d’inspirer de nouvelles pratiques.

Par ailleurs, cette année, dans le cadre du plan français / mathématiques, nous avons mis en place des « constellations ». Il s’agit de rassembler un groupe, en général composé de six à huit enseignants expérimentés ou débutants, d’observer leur classe afin d’échanger par la suite sur leurs pratiques et de les faire évoluer par l’analyse de chacun. Ce dispositif est nouveau et pertinent puisqu’il redonne tout son sens au métier de conseiller pédagogique.

 

Dans le cadre de votre mission et de votre regard global, percevez-vous une évolution des métiers de l’enseignement, notamment avec la crise sanitaire ?

Avec la crise sanitaire, nous avons pu observer de véritables changements dans l’utilisation du numérique qui force les enseignants à faire évoluer leurs pratiques. Cela oblige tout un chacun, même ceux qui jusque-là étaient réfractaires, à utiliser les outils et les applications numériques, ce qui demande à tous, conseillers et enseignants, une formation supplémentaire. Les automatismes doivent évoluer également. Il est aujourd’hui nécessaire de s’organiser différemment, par exemple en s’assurant, dès le début d’année, que l’on possède les mails des parents afin d’échanger ensemble en cas de besoin et d’utiliser de manière plus systématique les plateformes numériques à disposition pour assurer un contact pérenne en cas de reconfinement. Bien que chacun ait fait avec les moyens du bord au début de la crise, aujourd’hui cette question doit être pensée et intégrée systématiquement dans le cadre de la formation.

 

Quelles difficultés rencontrez-vous au quotidien ? Quels sont les risques spécifiques liés à l’exercice du métier de conseiller pédagogique ?

Nous pouvons quelquefois être confrontés à des enseignants réfractaires, expérimentés, parfois proches de la retraite, qui n’ont pas forcément envie de se questionner, de modifier ou de remettre en cause leur pratique.

Nous nous retrouvons également, de plus en plus souvent, face à des enseignants fatigués par les différentes prescriptions institutionnelles et par une certaine surcharge de travail, d’autant plus avec la gestion de la crise sanitaire qui a impliqué de changer très souvent de protocole et donc d’adapter et de réadapter ses pratiques. En tant que représentants de l’institution, nous pouvons donc subir leur mécontentement.

Une autre difficulté concerne le manque de valorisation du métier. Il n’y a pas de reconnaissance salariale pour un travail important et de plus en plus chargé. Mon salaire de directrice était plus conséquent que celui de conseillère ! C’est sûrement une des raisons pour lesquelles beaucoup de postes de conseiller pédagogique ne sont pas occupés, même si le travail est passionnant et vous permet de continuer à apprendre dans des domaines variés.

 

Y a-t-il des problématiques spécifiques liées à votre profession ? Est-il possible, selon vous, de l’améliorer ou de répondre différemment aux problématiques auxquelles vous êtes confrontée ?

Aujourd’hui, les injonctions sont plus fortes pour ne proposer que des formations en mathématiques et en français. Je trouve assez réducteur de ne se cantonner qu’à ces matières. Nous délaissons complètement d’autres matières et c’est dommage. Par exemple, nous pourrions travailler sur les arts plastiques en mettant en lien les formes géométriques pour utiliser les mathématiques sous une autre forme. Cela peut tout aussi bien s’appliquer aux sciences ou à l’EPS. Il me semble préjudiciable de ne se limiter qu’à l’apprentissage des maths et du français avec des modules imposés au niveau national. On pourrait les développer dans toutes les disciplines. J’aimerais donc avoir la possibilité, la liberté, de proposer autre chose ou en tout cas autrement.

De bonnes choses se mettent en place aussi, à l’instar de l’action « en constellation » dont je parlais. Elle me paraît tout à fait profitable et bénéfique pour améliorer les pratiques, car elle permet un accompagnement au plus près du terrain. Nous n’avons pourtant pas encore de recul sur l’efficacité réelle du dispositif qui vient de débuter et qui doit durer six ans.

 

Avez-vous vous-même suivi une formation pour répondre aux nouvelles problématiques et aux nouveautés liées à votre profession ? En êtes-vous satisfaite ?

Lorsque nous ne sommes pas en crise sanitaire, nous avons régulièrement et plusieurs fois par an, des temps forts de formation en présentiel. Ces temps prennent la forme d’une journée de formation avec des conférences et des ateliers. Et avant la mise en place des plans mathématiques et français, les problématiques abordées pouvaient être plus variées comme l’accueil des gens du voyage ou la place de l’oral dans les enseignements.

Cette année, cela se fait à distance et s’organise un peu différemment. Nous avons des temps consacrés à des conférences avec des intervenants extérieurs type chercheurs. Après ce temps d’écoute, des ateliers en petits groupes sont organisés avec les conseillers pédagogiques de zone afin de nous permettre de travailler ensemble sur un sujet d’étude spécifique

Il peut cependant nous manquer certaines formations sur des situations nouvelles que rencontrent les enseignants. Je pense notamment à la question de l’inclusion qui demande d’adopter de nouvelles pratiques pour lesquelles ni les enseignants ni les conseillers n’ont les compétences à proprement parler. Bien que l’on se forme soi-même, cela n’est pas toujours facile car il faut avoir le temps pour cela, ce qui n’est pas toujours le cas.

1 Certificat d’aptitude aux fonctions d’instituteur ou de professeur des écoles maître formateur.