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Entretien avec une ergonome Sorties scolaires : comment mieux prévenir les risques ?Le métier de directeur d’école : entretien croisé
Pouvez-vous vous présenter et décrire votre établissement ? Quel est votre parcours ?
Goual Belz :
J’ai commencé ma carrière en 2007 en passant le concours d’enseignant et suis devenu enseignant bilingue français/breton, d’abord en classe élémentaire, puis en maternelle avant d’assurer des postes de remplaçant. Le passage vers la fonction de directeur a été assez rapide, puisqu’au bout de quatre ans, je me suis inscrit à la liste d’aptitude et suis désormais au poste de directeur pour ma cinquième année dans l’école élémentaire de Plouay, qui accueille 6 classes monolingues, 3 classes bilingues et 1 classe spécialisée.
Pourquoi être passé à ce poste aussi vite ? Eh bien, j’ai côtoyé des directeurs qui portaient et vivaient la fonction, et cela m’a donné envie de me lancer ! Dès lors, j’ai voulu être directeur, mais spécifiquement dans cette école dans laquelle j’avais commencé ma carrière, car je connaissais bien l’équipe et je trouvais qu’elle avait un bon fonctionnement avec une belle coopération entre tous ses membres (seize enseignants et trois AESH [accompagnants d’élèves en situation de handicap]). Avec une équipe aussi soudée, l’envie de venir chaque jour au travail est forcément plus forte !
Jean Labat :
Pour ma part, je suis un « jeune » directeur, mais expérimenté, car je le suis devenu à 52 ans après une longue carrière en tant que professeur des écoles. Licencié d’histoire, j’ai été recruté, un peu dans l’urgence, au début des années 1980, à un moment où l’École manquait d’enseignants. J’ai donc commencé par un remplacement de six mois, puis j’ai passé le concours interne et ai eu la chance de rentrer à l’École normale. J’ai rencontré des professeurs qui m’ont profondément marqué et m’ont transmis des enseignements théoriques en psychopédagogie notamment, mais également des conseils pratiques qui me sont toujours utiles aujourd’hui.
Très investi au niveau associatif, et notamment à l’USEP [Union sportive de l’enseignement du premier degré], j’ai longtemps considéré que je n’avais pas suffisamment de temps à consacrer à cette fonction pour l’occuper pleinement. Puis, avec le temps, mes envies ont évolué, et j’ai donc postulé pour devenir directeur d’école détaché dans mon établissement qui compte 16 classes et 369 élèves.
Quelles sont les principales missions d’un directeur d’école ?
Goual Belz :
En revenant dans cet établissement avec cette fonction, j’ai souhaité avant tout « m’inscrire dans l’équipe », c’est-à-dire ne pas m’imposer comme seul décisionnaire. Il s’agit plutôt de jouer le rôle de catalyseur : j’apporte des idées comme tous les collègues, tout en disant ce qui ne peut fonctionner, puisque c’est ma responsabilité, puis la décision est prise de manière commune. Aussi, une de mes fonctions principales est celle d’animateur d’équipe : j’essaye de faire ressortir toutes leurs bonnes idées, de les organiser pour faire fonctionner au mieux l’école. Pour assurer l’animation pédagogique, il m’est également nécessaire d’instituer certains process de fonctionnement dans le but de créer une dynamique collective qui fait sens. Par exemple, j’ai supervisé un projet d’amélioration du tri dans l’école, accompagné d’une sensibilisation auprès des élèves sur le respect de l’environnement. Aujourd’hui, chacun des membres de l’équipe est pleinement investi dans ce projet.
Au niveau administratif, la première de mes missions est celle de la sécurité à l’école. Il est nécessaire que tout le monde puisse venir à l’école dans de bonnes conditions. Je m’occupe également des relations avec la mairie, autant sur les questions financières (demandes de subventions pour les activités, pour les investissements nécessaires au bâti, pour l’accompagnement de projets, etc.) que sur les questions administratives (concernant les bâtiments, la cantine, les personnels périscolaires, les fonctionnements de l’école en dehors des heures de classe, etc.)
Pour gérer toutes ces tâches, je dispose de 33 % de temps de décharge. Je suis donc au bureau le mardi et un lundi sur trois. Le reste du temps, je m’occupe et suis responsable d’une classe. Lorsque je n’assure pas les cours, c’est un collègue nommé sur plusieurs décharges de direction qui prend le relai auprès des élèves, avec toutes les contraintes que cela implique.
Jean Labat :
J’ai pour habitude de planter le décor rapidement : je n’ai d’autorité hiérarchique sur personne dans mon école. Mon métier consiste, en réalité, à mettre de « l’huile dans les rouages ». Tout d’abord, la concertation, qui est au centre de ma pratique. Il est important que les décisions soient prises avec tous les acteurs de l’école.
Je suis également très impliqué dans la dynamisation de tous les projets, qu’ils soient purement éducatifs ou autres. Bien évidemment, je reste très engagé dans la pratique du sport à l’école (rugby, vélo, etc.) et engage tous les acteurs de l’école à y participer.
Enfin, je suis très impliqué dans la relation avec les parents d’élève. En tant que directeur détaché, j’attache une attention particulière à mes interactions avec eux. Je les contacte très régulièrement par e-mail et les tiens informés de toute modification dans l’organisation de l’école. Je réponds également à chacun de leurs e-mails, car je sais que cela compte énormément pour eux. Je veille chaque jour à la qualité de nos relations. Par exemple, dès qu’un enfant est blessé, je passe systématiquement un coup de fil aux parents. Même si cela n’est pas grave, ils préfèrent que ce soit le directeur qui les prévienne au moment où l’incident se produit plutôt que de découvrir la blessure le soir à la garderie. Mon statut de directeur déchargé me permet d’être attentif à tous les détails qui font la qualité de cette relation.
Au départ, je n’étais pas totalement déchargé, je faisais un mi-temps avec une classe de CM1/CM2, mais il était de plus en plus difficile de faire la coupure réelle entre mon métier d’enseignant et ma fonction de directeur. Ce qui était peut-être possible il y a quelques années ne l’est plus du tout aujourd’hui. L’instantanéité des échanges numériques, que ce soit avec l’académie, les services de la mairie ou les parents d’élève, ne nous permet plus de remettre au lendemain des éléments de réponse qui doivent être apportés le jour même. Par ailleurs, je suis très sollicité tout au long de la journée (livraisons, services techniques de la mairie, suivi des travaux au sein de l’école, etc.) et serais sans cesse dérangé si je devais enseigner à temps partiel. Ce ne serait agréable pour personne : ni pour les élèves, ni pour moi.
Quelles modifications sont advenues dans vos missions depuis la crise sanitaire ?
Goual Belz :
La principale chose qui a changé est la manière de communiquer avec les parents. Une chose qui peut paraître anodine, mais qui bouleverse profondément la manière de travailler. Nous sommes passés de l’utilisation principale du cahier de liaison, que l’on ouvre une fois par jour, et donc qui permet de maîtriser le temps consacré à cette communication, aux échanges électroniques, avec tous les inconvénients que cela suppose : multiplication des messages envoyés à tout moment et auxquels il faut répondre rapidement alors qu’il s’agit parfois de demandes auxquelles nous n’avons pas de réponse dans l’immédiat.
Ce nouveau mode de communication ne s’est pas arrêté avec le déconfinement, et c’est devenu une véritable contrainte : c’est envahissant et souvent chronophage. Le temps de travail « sanctuarisé » pour toutes les autres tâches qui nous incombent en tant que directeur, mais aussi en tant qu’enseignant est très fortement perturbé.
Jean Labat :
La crise sanitaire n’a fait qu’exacerber une tendance qui était là depuis longtemps : la demande constante de réactivité de la part des familles. Pour ma part, j’avais déjà l’habitude de communiquer par e-mail. Il est vrai que les parents prennent connaissance de mes messages au fur et à mesure de la journée, et non le soir à 19 h en rentrant du travail. Cela facilite les échanges et les rassure. Pour cela, j’ai toujours tenu à jour les fichiers e-mail de mon établissement. Lors de la crise sanitaire, nous avons pu être réactifs et communiquer facilement.
Quelles difficultés rencontrez-vous au quotidien ? Quels sont les risques spécifiques liés à l’exercice du métier de directeur d’école ? Avez-vous déjà fait appel à L’Autonome ?
Goual Belz :
La grande difficulté à laquelle je fais face, c’est de gérer une classe en plus de ma fonction de directeur, car outre la responsabilité de l’école, je reste le titulaire de la classe. C’est-à-dire que je dois gérer aussi bien « l’organisationnel » que le relationnel avec les parents bien que je n’y consacre « que 67 % du temps ». Dans une situation aussi complexe, il est donc essentiel d’entretenir une bonne communication avec mon remplaçant. Pourtant, cela reste difficile à gérer dans une école de 200 élèves où il vous faut assurer en tout temps et en toutes circonstances des missions de direction. Pour 200 élèves, être déchargé à temps complet ne me semble pas aberrant, d’autant que la fonction de direction vous demande aussi d’être en vigilance permanente pour savoir si tout va bien.
Concernant les risques spécifiques au métier de directeur d’école, j’ai dû faire face à l’un d’entre eux dès ma première année ! Nous pouvons en effet être confrontés à des parents mécontents et avoir affaire à des débordements. Pour ma part, j’ai eu une intrusion dans l’école et j’ai été frappé par la mère d’un élève. Lorsque l’on débute dans cette fonction, on ne s’attend vraiment pas à ce type de violence au travail !
Fort heureusement, j’ai été accompagné par l’Autonome qui a été très réactive, ce qui m’a permis d’être écouté, entendu tout de suite. J’ai également pu bénéficier de l’aide d’un avocat très rapidement. C’est cette réactivité que j’ai beaucoup appréciée, car lorsque l’on se fait agresser, c’est immédiatement que l’on a besoin de soutien.
Jean Labat :
Les risques spécifiques auxquels nous sommes confrontés sont surtout ceux liés à la responsabilité professionnelle. Je communique très régulièrement avec l’Autonome et ils ont toujours été présents en cas de difficulté.
Concernant par exemple le PPMS [plan particulier de mise en sûreté], il n’est pas évident pour un « jeune » directeur d’école d’être certain d’avoir évalué tous les risques au sujet de son établissement. Pour ma part, cela m’a demandé plusieurs semaines d’étude et de concertation avec l’ensemble des parties prenantes de notre commune. Il y a toujours l’angoisse de passer à côté de quelque chose d’important.
Par ailleurs, la lourdeur administrative de certains protocoles nous fait perdre beaucoup de temps. Je pense en particulier aux PAI [projets d’accueil individualisés] mis en place pour les élèves malades. Nous sommes encore à l’âge de pierre dans la circulation et le traitement de l’information… Nous passons trop de temps à photocopier des documents qui pourraient être formalisés différemment.
Quelles sont les évolutions de ces risques depuis la crise sanitaire ?
Goual Belz :
L’incertitude et le flou lié à la situation, notamment pendant les périodes de déconfinement et de rentrée, ont pu causer certaines tensions, au sein de l’établissement notamment. Le directeur est une figure rassurante « normalement ». Or, face à cette situation, cela n’a pas vraiment été possible. Rien d’insurmontable bien sûr, mais être confronté à une émotivité si importante dans le cadre du travail n’est pas simple.
Par ailleurs, la gestion des cas de Covid-19 depuis la rentrée est très stressante et fatigante. Mes interlocuteurs se sont multipliés ainsi que les tâches administratives, ce qui peut parfois perturber très fortement mon exercice d’enseignant en classe. Cela complique également la communication avec les parents, car je n’ai pas forcément de réponses claires et immédiates à leur fournir.
Jean Labat :
Le plus gros stress que j’ai ressenti était celui lié au déconfinement et au retour à l’école pour les élèves. J’avais le sentiment d’avoir pris les bonnes mesures, mais je ne voulais pas alourdir le quotidien de l’équipe éducative, des élèves et des parents !
Le risque le plus important est à mon sens celui lié à la fatigue des personnels d’éducation. Tous n’ont pas vécu cette période de la même façon et certains sont plus fragilisés que d’autres. Cela peut entraîner des frictions au sein des établissements.
Quelles seraient les deux mesures phares importantes pour améliorer votre quotidien de directeur d’école ?
Goual Belz :
Comme je le disais auparavant, c’est avant tout avoir plus de décharge. Bien que certaines tâches puissent être déléguées comme aller ouvrir la porte, accompagner un élève, etc., cela reste assez compliqué. Lorsque l’on répond au téléphone, par exemple, il peut s’agir de répondre aux parents qui attendent d’être rassurés et cela signifie avoir un interlocuteur qui connaît parfaitement l’école et les élèves.
La seconde mesure que j’attends est une meilleure rémunération. Bien entendu, on ne fait pas ce métier pour le salaire, mais vu le nombre d’heures travaillées réellement et les nombreuses responsabilités qui nous incombent, on a parfois l’impression de travailler gratuitement. Cela serait une forme de reconnaissance du travail accompli de la part de notre institution aussi.
Jean Labat :
Concernant le PPMS, le directeur d’école devrait être aidé dans cette tâche par une personne de la mairie qui pourrait prendre en charge la rédaction de ce document. Ainsi se sentirait-il moins seul dans cette tâche et plus rassuré dans l’exhaustivité des risques recensés.
Concernant le PAI, je pense que nous devrions pouvoir disposer d’un document PDF interactif que chacun pourrait compléter à tour de rôle : le médecin traitant, les parents, le directeur, la mairie, le médecin scolaire, etc. Nous devons moderniser nos outils de travail en collaboration avec l’académie.
Par ailleurs, concernant les allergies alimentaires, il me semblerait normal qu’elles soient prises en charge par les services de la mairie responsables de la restauration.
Concernant les tâches administratives et le secrétariat, il est vrai que cela ne nécessite pas un poste à temps plein, mais nous pourrions avoir de l’aide entre un jour et un jour et demi par semaine en mutualisant un poste avec d’autres établissements.
Quand avez-vous fait votre formation initiale ? Avez-vous eu une formation continue par la suite ? Êtes-vous satisfaits de la formation dispensée aux directeurs d’école ? Pourrait-elle être améliorée ?
Goual Belz :
Au moment de ma prise de fonction en tant que directeur, j’ai eu quelques semaines de formation que j’ai trouvées assez satisfaisantes et bien organisées. Cette formation m’a beaucoup aidé pour ma prise de poste, car j’avais pu rencontrer de nombreux interlocuteurs tels que certains IEN [inspecteurs de l’Éducation nationale] nous expliquant notamment leurs relations avec les directeurs d’école, mais aussi des associations telles que l’OCCE [Office central de la coopération] ou encore L’Autonome.
Chaque année, nous avons également dix-huit heures de formation avec la circonscription, mais il s’agit, dans les faits, d’animations pédagogiques. J’aurais pourtant souhaité avoir de la formation continue. En effet, le « train-train quotidien » peut nous faire oublier certaines choses sur le fonctionnement d’une école, aussi il est toujours bon d’avoir quelques rappels de temps à autre.
Jean Labat :
J’ai fait mon stage de directeur d’école en 2012 avec une équipe très professionnelle. Comme j’enseignais depuis plusieurs années, j’ai pu mettre à profit ce stage de quatre semaines pour poser des questions très concrètes qui m’ont permis de mettre rapidement des choses en place dans mon école.
Comme beaucoup de personnes de ma génération, je me suis mis à l’informatique un peu sur le tard, à 40 ans. Mais via les différents stages auxquels j’ai pu participer, j’ai rapidement pris confiance et je maîtrise parfaitement les bases aujourd’hui. Il est primordial de bien connaître les différents outils informatiques et numériques, la crise de la Covid-19 nous l’a encore démontré, afin de pouvoir faire le lien entre l’académie et les familles.