Les enseignants, de par leur ingéniosité et leur implication, et malgré un manque de préparation évident, ont réussi à créer de nouvelles façons de faire classe à distance afin de « maintenir le fil » avec une majorité d’élèves. Pourtant cette période toute particulière a fait ressortir de enjeux et défis majeurs pour l’École de demain : nouvelles modalités de travail, relations parents-enseignants à redéfinir, introduction et nécessité de maîtrise des nouveaux outils numériques par les personnels d’éducation…

La Covid-19, un accélérateur du changement de l’École

Tous les acteurs de l’éducation sont concernés aujourd’hui par ces bouleversements sans précédent qui vont s’inscrire durablement dans le temps. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a déclaré le 26 juin : « La période de confinement que nous venons de vivre nous a obligés à travailler différemment. Elle a aussi changé des manières d’apprendre. Nous devons en tirer les leçons. »

C’est dans cette logique qu’il a lancé les États généraux du numérique, une démarche de consultation en plusieurs étapes et sous plusieurs formes, qui aboutira à un rendez-vous national les 4 et 5 novembre 2020 à Poitiers. Il a d’ailleurs esquissé les premières pistes qui doivent définir les travaux à mener : « Il y a certainement des outils à améliorer, des logiciels à développer, des bonnes pratiques à généraliser, des formations à réaliser. »

Les États généraux du numérique pour l’éducation s’inscrivent ainsi dans le contexte particulier vécu pendant la crise sanitaire, qui a modifié l’usage du numérique dans les pratiques des établissements scolaires et de l’ensemble des structures du système éducatif, à savoir : continuité pédagogique, nouvelles modalités de travail, à distance puis hybrides, désynchronisation des temps d’apprentissage…

Quelle organisation pour les États généraux du numérique ?

Cette démarche se veut pleinement collaborative avec la mise en place, notamment, d’un questionnaire en ligne pour recueillir les contributions et identifier les sujets qui seront abordés en priorité lors des états généraux les 4 et 5 novembre. Par ailleurs, dans chaque région académique, des états généraux seront organisés entre le 14 septembre et le 16 octobre 2020 afin de valoriser les partages d’expériences et les initiatives innovantes.

Dès lors, le ministère encourage l’ensemble des acteurs concernés à apporter leurs contributions, faire part de leurs retours d’expériences et exprimer leurs attentes et visions. Il s’agira également de « repérer les innovations et les pratiques inspirantes, d’analyser leur potentiel de dissémination ou de généralisation, d’anticiper les réorientations ou l’accélération de chantiers en cours… ».

Les thématiques autour desquelles s’organisera la réflexion des États généraux du numérique sont pourtant déjà bien définies, autour de cinq axes : « enseigner et apprendre avec le numérique », « égal accès au numérique pour tous / fracture numérique », « travailler ensemble autrement pour une culture numérique professionnelle commune », « un numérique responsable et souverain », « gouvernance et anticipation ».

L’École, simple lieu de transmission des savoirs ?

Alors que cette consultation a vocation à « faire émerger une vision partagée du numérique dans l’éducation », on peut se demander quelle place réelle le numérique doit prendre à l’École et dans la pratique d’enseignement.

Le ministre de l’Éducation nationale annonçait dès le mois de mai que « L’école de demain s’appuiera largement sur de l’enseignement à distance » (JDD, 10 mai 2020). Pourtant, l’enseignement à distance a déjà montré certaines limites, tant au niveau du décrochage scolaire de certains élèves face à l’inégalité de moyens que sur l’enseignement lui-même, puisqu’il a plus souvent été question d’un travail sur des acquis que sur la transmission de nouvelles acquisitions.

L’autre question fondamentale qui n’est pas encore abordée dans le cadre de cette réflexion sur l’École de demain, c’est son rôle en dehors de la « simple » transmission des savoirs.

En effet, comme l’explique le chercheur Philippe Meirieu, « La classe n’est pas une juxtaposition d’élèves à qui l’on fournit des travaux individuels, c’est un espace symbolique de construction du collectif et de l’apprentissage du “faire société”. On y arrive avec ses singularités et l’on y accède à des savoirs communs en découvrant les règles qui permettent de travailler ensemble et de s’enrichir les uns des autres. »

Si l’on veut répondre aux enjeux de cette École de demain, cette dimension ne peut, en aucun cas, être exclue du débat.