Qu’est-ce que le harcèlement au travail ?

« Le harcèlement au travail est un délit défini et sanctionné par le Code pénal, le Code du travail et le Code général de la fonction publique. »

Le harcèlement au travail constitue un délit défini et sanctionné par le Code pénal, le Code du travail et le Code général de la fonction publique. L’article L133-2 du Code général de la fonction publique établit à cet égard que : « Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Pour garantir le bien-être au travail au sein de l’établissement scolaire, la loi protège indifféremment :

  • Les personnels d’éducation victimes de harcèlement au sein de l’Éducation nationale, peu importe que l’auteur présumé des faits soit un collègue ou un supérieur hiérarchique.
  • Les personnels d’éducation qui témoignent ou qui dénoncent des faits de harcèlement. À cet effet, l’article L133-3 du Code de la fonction publique prévoit des mesures de protection renforcées au bénéfice des « lanceurs d’alerte » afin de faire de la lutte contre le harcèlement l’affaire de tous.

Les critères légaux et jurisprudentiels

« Le harcèlement moral peut être constitué même si l’auteur des faits n’a pas l’intention de nuire au personnel d’éducation. » Arrêt de la Cour de cassation du 10 novembre 2009

1 – Le caractère répété des agissements : le personnel d’éducation est victime de harcèlement moral lorsque les faits surviennent plusieurs fois.

  • Si l’acte est isolé, la victime peut agir sur le terrain d’autres infractions pénales, telles que la diffamation et l’injure, la menace, la violence physique ou morale.

2 – La dégradation des conditions de travail : concrètement, la victime n’est plus à l’aise à venir travailler dans l’établissement scolaire.

  • La jurisprudence, dans un arrêt de la Cour de cassation du 10 novembre 2009, affirme que l’élément intentionnel n’importe pas : le harcèlement moral peut être constitué même si l’auteur des faits n’a pas l’intention de nuire au personnel d’éducation.

3 – Une atteinte aux droits, à la dignité, à la santé physique ou mentale ou à l’avenir professionnel : le harcèlement moral est caractérisé quelle que soit la nature du préjudice subi (matériel, moral ou physique).

  • Le préjudice peut être d’ordre matériel : la perte des opportunités d’évolution dans sa carrière ou la privation systématique d’équipements requis, etc. Le préjudice moral est constitué, par exemple, lorsque les propos d’un collègue dégradent la réputation de l’enseignant. Le préjudice est physique dans le cadre de violences physiques à répétition.

Exemples de situations de harcèlement en établissement scolaire

En mai 2018, le tribunal administratif de Montreuil (Seine-Saint-Denis) se prononce sur deux affaires de harcèlement moral au sein d’un lycée professionnel.

  • Les faits : deux professeurs invoquent des paroles et des comportements insultants de la part de leurs collègues, provoquant un climat d’hostilité. Un professeur, en outre, affirme être l’objet de menaces d’agression physique. Les agissements se déroulent pour partie devant les élèves et durent pendant un an et demi.
  • La décision du tribunal : les faits de harcèlement moral sont constitués. Les témoignages de certains collègues ainsi que l’arrêt de travail d’un des deux professeurs contribuent à fonder la décision du tribunal.
  • L’indemnisation : chaque professeur victime de harcèlement moral reçoit 15 000 euros au titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral. Le tribunal, en revanche, ne retient pas les préjudices de santé et de carrière.

En décembre 2015, la Cour administrative d’appel de Marseille (Bouches-du-Rhône) se prononce sur une affaire de harcèlement moral d’une professeure par le principal d’un collège.

  • Les faits : la professeure est démise de ses fonctions de professeure principale, et subit une augmentation de sa charge de travail ; le créneau horaire réservé à la mise en œuvre d’un de ses projets pédagogiques lui est retiré ; la professeure est publiquement mise en cause en des termes offensants et humiliants ; le principal du collège rend à l’égard de la professeure des appréciations dégradantes et injustifiées.
  • La décision de la cour : la professeure est victime de harcèlement moral.
  • L’indemnisation : la professeure reçoit 21 300 euros en réparation de ses préjudices moral et matériel.

Trois axes d’action pour lutter contre le harcèlement entre personnels d’éducation

La lutte contre le harcèlement moral au sein de l’établissement scolaire doit être envisagée sous différents axes : prévention, protection et répression. 

1 – Prévenir les risques de harcèlement moral

La prévention est la première étape dans le processus de lutte contre le harcèlement moral en établissement scolaire, et s’inscrit dans une démarche globale de prévention des risques psychosociaux. Comme tout employeur du privé, le chef d’établissement « prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral », conformément à l’article L1152-4 du Code du travail. Concrètement, il s’agit d’informer et de former sur les caractéristiques, les conséquences, les moyens d’alerte et les sanctions du délit de harcèlement moral.

Le conseil de l’ASL pour prévenir les risques de harcèlement entre personnels d’éducation :

L’établissement scolaire peut s’appuyer sur l’expertise d’acteurs de terrain pour mettre en place les actions de prévention. Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et la délégation de L’ASL, notamment, peuvent être mobilisés.

S’il n’en a pas l’obligation, le chef d’établissement peut toutefois se conformer aux obligations d’affichage imposées aux employeurs privés. Il s’agit d’afficher sur le lieu de travail des personnels d’éducation les textes de loi relatifs au harcèlement sexuel et au harcèlement moral.

2 – Protéger les victimes de harcèlement
L’arrêt du Conseil d’État du 12 mars 2010 consacre l’octroi de la protection fonctionnelle aux victimes de harcèlement moral. La décision est codifiée à l’article L134-5 du Code général de la fonction publique. Cette protection fonctionnelle est mise en œuvre via diverses mesures :

  • Au bénéfice du personnel d’éducation victime de harcèlement : droit de retrait, assistance juridique dans les démarches de procédure judiciaire, prise en charge des frais de justice et réparation du préjudice sous forme de dommages et intérêts.
  • Envers l’auteur des agissements de harcèlement : changement d’affectation, éloignement ou suspension des fonctions, voire procédure disciplinaire.

Comment obtenir la protection fonctionnelle en cas de harcèlement ?

D’un point de vue très opérationnel, la loi a instauré, par ordonnance du 24 novembre 2021, l’obligation pour les employeurs publics de mettre en place un dispositif ayant pour objet de recueillir les signalements des agents victimes (ou témoins) de faits de harcèlement (article L135-6 du Code général de la fonction publique). Le décret du 06 novembre 2024 crée les articles R135-1 et suivants du Code général de la fonction publique, applicables à compter du 1er février 2025, pour préciser les modalités de ce dispositif de recueil de signalements. Le dispositif a vocation à :

  • Mettre les victimes en relation avec des interlocuteurs neutres et de confiance aux prémices de la situation préjudiciable de harcèlement.
  • Assurer la confidentialité des échanges pour inciter les victimes à se confier.
  • Faciliter les démarches en proposant des plateformes de signalement en ligne.

Un signalement déclenche un entretien personnalisé et confidentiel avec un conseiller. Après analyse de la situation, les mesures de protection fonctionnelle sont mises en œuvre : assistance à l’agent public, enquête administrative, etc.

En ce qui concerne les aspects financiers de la protection fonctionnelle, l’agent public doit faire une demande écrite via la plateforme Colibris.

3 – Sanctionner pour responsabiliser

En 2012, la loi double la peine de prison et le montant de l’amende en cas de condamnation pour harcèlement moral au travail. L’auteur des agissements reconnu coupable par la justice risque désormais jusqu’à 2 ans de prison et 30 000 euros d’amende (article 222-33-2 du Code pénal), et peut être condamné au paiement de dommages et intérêts.

À noter : ce volet de la lutte contre le harcèlement moral au sein de l’établissement scolaire n’est pas du ressort du chef d’établissement.

L’établissement scolaire, de son côté, peut prononcer des sanctions disciplinaires.

Les recours du personnel d’éducation victime de harcèlement

« Le personnel d’éducation victime de harcèlement par ses collègues ou sa hiérarchie dispose de plusieurs voies de recours pour faire juger les faits, obtenir leur cessation et se faire indemniser. »

1 – Signaler les agissements

Dans un premier temps, le personnel d’éducation signale les agissements de harcèlement moral :

  • Via le dispositif de recueil des signalements mis en place par son académie.
  • Auprès du CHSCT, le cas échéant.
  • En se rapprochant de la délégation départementale de l’ASL, afin de bénéficier des conseils et de l’accompagnement d’un avocat-conseil si nécessaire.

Cette étape préliminaire permet d’obtenir une information renforcée eu égard aux circonstances spécifiques de la situation à laquelle le personnel d’éducation est confronté, d’orienter les démarches et de déclencher une procédure.

À noter : la victime peut à ce stade exercer son droit de retrait pour limiter les conséquences néfastes du harcèlement sur sa santé.

2 – Faire une tentative de médiation

La médiation n’est pas une étape obligatoire. Le recours au médiateur de l’Éducation nationale, néanmoins, est fréquent, car il permet souvent de régler le litige rapidement. Le médiateur peut notamment proposer, sous réserve de l’accord de la victime et de l’auteur des faits, un changement de poste pour l’auteur des faits.

3 – Saisir le juge

Le personnel d’éducation victime de harcèlement moral au travail peut porter plainte pour saisir la justice. Deux procédures distinctes peuvent être engagées en parallèle :

  • Saisir le tribunal administratif permet d’obtenir réparation sous forme de dommages et intérêts versés par l’État, conformément au régime de responsabilité pénale des personnels d’éducation. En saisissant le tribunal administratif, le personnel d’éducation victime de harcèlement moral poursuit son administration.
  • Saisir le juge pénal permet de faire juger et sanctionner l’auteur des faits. En saisissant le juge pénal, le personnel d’éducation victime de harcèlement moral poursuit directement le harceleur.

À noter : lorsque le harcèlement est fondé sur des motifs discriminatoires, il est également possible de saisir le Défenseur des droits.

Se faire accompagner par L’ASL dans les démarches

Dans le cadre d’une procédure judiciaire, la victime doit prouver les faits de harcèlement. Il s’agit, par l’intermédiaire d’un avocat spécialisé, de réunir des preuves des faits et de leurs conséquences préjudiciables : attestations médicales, témoignages de collègues, ou encore e-mails et SMS. Le juge apprécie les faits au regard de l’argumentaire de la partie adverse.

Au-delà de l’aspect purement procédural, les démarches pour obtenir gain de cause sont souvent laborieuses. C’est pourquoi le personnel d’éducation peut bénéficier du soutien et de l’accompagnement de L’ASL. Conformément à la convention qui la lie au ministère de l’Éducation nationale, L’ASL joue un rôle fondamental dans la prise en charge des fonctionnaires victimes et fait figure à ce titre d’interlocuteur privilégié.

 

Sources :