Refuser une sortie scolaire à un élève handicapé : un acte discriminatoire

« Pour le Défenseur des droits, le refus d’un enfant au voyage scolaire organisé par son établissement constitue une discrimination fondée sur son handicap. »

Saisi par des parents d’élèves en situation de handicap, le Défenseur des droits a eu l’occasion de rappeler ces principes à maintes reprises(1)(2) :

  • « Le refus d’un enfant au voyage scolaire organisé par son établissement constitue une discrimination fondée sur son handicap. »
  • L’équipe éducative a « l’obligation de mettre en place des aménagements raisonnables afin de garantir aux enfants en situation de handicap un égal accès au droit à l’éducation sur la base de l’égalité avec les autres enfants ».
  • L’Éducation nationale doit « garantir l’adoption par les établissements scolaires d’une procédure d’évaluation individualisée des aménagements nécessaires, pour répondre au cas par cas aux besoins de chaque élève en situation de handicap, en associant les familles ainsi que les professionnels intervenant auprès de l’enfant – AESH et enseignants »

Il ressort des décisions du Défenseur des droits trois lignes directrices majeures :

  1. L’établissement met en œuvre des aménagements raisonnables pour permettre à l’élève handicapé de participer à la sortie ou au voyage scolaire. Exemples : temps réduit de sortie, accompagnement par le parent de l’élève ou encore participation à distance.
  2. La situation de chaque élève est traitée de manière individuelle, en fonction de la nature de son handicap et des modalités de la sortie envisagée. En tout état de cause, il est recommandé de prévoir des activités auxquelles l’enfant peut participer malgré son handicap, pour éviter la discrimination.
  3. Les projets de sorties scolaires sont construits collectivement, en collaboration avec le parent et l’AESH (accompagnant des élèves en situation de handicap). Exemple: l’enseignant organise un rendez-vous avec le parent pour s’informer sur les soins à apporter à l’enfant et pour réfléchir à la manière de les assurer pendant la sortie. 

Le rôle de l’AESH à l’occasion des sorties et des voyages scolaires

« Lorsque l’enseignant prévoit d’organiser des voyages ou des sorties scolaires avec nuitée(s), la personne en charge du recrutement du personnel accompagnant privilégie un AESH. »

Le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse informe que l’AESH peut accompagner l’élève handicapé aux sorties scolaires de type occasionnelle ou régulière. À noter que l’AESH n’est jamais comptabilisé comme personnel encadrant la sortie, puisqu’il se dédie à l’élève handicapé.

  • Sorties scolaires sans nuitée : l’AESH accompagne l’élève dans la mesure où la sortie scolaire ne modifie pas son emploi du temps. L’AESH doit pouvoir récupérer le temps de pause méridienne.
  • Sorties scolaires avec nuitée(s) : l’AESH choisit d’accompagner ou non l’élève. En cas de refus, il incombe au chef d’établissement de trouver une alternative.

Les élèves en situation de handicap sont pris en charge par des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sous contrat de droit public. La circulaire n° 2017-084 du 3 mai 2017(3) prévoit que « seuls les AESH peuvent exercer, dans le cadre de la durée réglementaire du temps de travail, l’accompagnement lors des sorties ou voyages scolaires avec nuitée(s) et des stages ». Il en ressort la recommandation suivante :

  • Lorsque l’enseignant prévoit d’organiser des voyages ou des sorties scolaires avec nuitée(s), le coordonnateur du PIAL (pôles inclusifs d’accompagnement localisés), privilégie un AESH. Ainsi, l’élève handicapé est suivi par le même accompagnant tout au long de l’année, en toutes occasions.

Le rôle du parent accompagnateur de l’élève souffrant de troubles du comportement

« Si les parents et/ou l’enseignant jugent la mesure nécessaire, l’enfant est accompagné par son parent. »

Les troubles du comportement qui résultent d’un handicap mental peuvent particulièrement porter préjudice à l’élève handicapé ainsi qu’aux autres élèves de la classe, à l’occasion d’une sortie scolaire. Hors de son environnement familier, l’enfant, en effet, peut manifester une forme d’angoisse qu’il extériorise par des actes violents. Or, l’enseignant est responsable en cas de préjudice causé ou subi par l’enfant dont il assume la surveillance(4).

Par conséquent, l’enseignant doit prévoir une assistance renforcée pendant la sortie scolaire.

Les mesures à prendre sont proportionnelles aux troubles du comportement de l’élève et décidées en concertation avec ses parents :

  • L’AESH peut accompagner l’enfant lors de la sortie.
  • Si les parents et/ou l’enseignant jugent la mesure nécessaire, l’enfant est accompagné par son parent.
  • Si le parent ne peut pas accompagner l’enfant alors que cela s’avère nécessaire, l‘enseignant peut refuser sa participation à la sortie scolaire au motif de la sécurité.

Dans quels cas le refus de participation d’un élève handicapé à une excursion est-il justifié ?

« Lorsque la sécurité et l’intégrité de l’élève handicapé ne peuvent être assurées, le refus de participation à la sortie scolaire est justifié. »

Malgré toutes les attentions de l’établissement, certains handicaps sont de nature à exclure l’enfant de certaines activités ou de certains voyages scolaires. Par exemple :

  • En pratique, faire participer l’enfant qui souffre d’un handicap moteur à une activité sportive récurrente est difficilement envisageable.
  • Pour des raisons de sécurité, l’enfant qui nécessite des soins de santé quotidiens ne peut vraisemblablement pas participer à un voyage scolaire de longue durée.

Lorsque l’élève est dans l’incapacité de participer à l’activité en raison de son handicap, et lorsque la sécurité et l’intégrité de l’élève handicapé ne peuvent être assurées, le refus de participation à la sortie scolaire est justifié. La santé de l’élève en effet prime.

Maître Francis Lec, avocat-conseil national de 1992 à 2021, précise à ce sujet(5) :

« En cas de sortie scolaire, aucune discrimination ou décision vexatoire ne peut intervenir à l’égard des élèves. Tout refus doit être motivé, éventuellement pour des raisons de santé ou de sécurité, et recueillir l’accord écrit des parents après discussion. Dans cette hypothèse, l’élève doit être accueilli et une concertation doit s’opérer avec les collègues et le chef d’établissement (ou directeur d’école). »

Nos recommandations pratiques

« Pour garantir l’épanouissement et les bonnes conditions d’apprentissage de l’élève handicapé, et pour éviter toutes discriminations, les classes qui comptent un ou plusieurs enfants handicapés prêtent une attention accrue aux projets de sorties. »

Sorties récurrentes ou occasionnelles, voyages scolaires ou encore séjours linguistiques : ces activités pédagogiques sont intégrées au projet de l’établissement en concertation avec l’enseignant et constituent des évènements importants pour l’élève, qu’il soit ou non en situation de handicap.

Pour garantir l’épanouissement et les bonnes conditions d’apprentissage de l’élève handicapé, et pour éviter toutes discriminations, les classes qui comptent un ou plusieurs enfants handicapés prêtent une attention accrue aux projets de sorties.

  • En amont, l’établissement réfléchit avec l’enseignant au projet annuel de sorties scolaires, en tenant compte de la situation de handicap de l’élève. Il s’agit de privilégier des sorties compatibles avec le handicap de l’élève, sans pour autant priver les autres élèves d’activités jugées nécessaires sur les plans éducatif et pédagogique.
  • Les parents de l’élève handicapé prennent activement part au projet de sortie scolaire. Il convient non seulement de les informer, mais aussi de discuter avec eux dans le cadre d’un entretien individuel. À cette occasion, l’enseignant prend toutes les informations utiles relatives au handicap de l’enfant et cherche avec les parents les meilleurs moyens de faire participer l’enfant à la sortie malgré son handicap. Éventuellement, les parents peuvent eux-mêmes refuser que leur enfant participe à la sortie pour des raisons de sécurité.
  • Pour rendre possible la participation de l’élève handicapé, l’établissement met en œuvre des aménagements raisonnables. Il s’agit d’adaptations nécessaires et de mesures appropriées au handicap, et aux modalités de la sortie : matériel adapté, suivi des soins, transport approprié, hébergement adéquat et aménagement individualisé des horaires.
  • En tout état de cause, l’enfant handicapé bénéficie d’une assistance personnelle renforcée pendant toute la durée de la sortie scolaire, idéalement assurée par son AESH.
  • Lorsque la sortie scolaire est inenvisageable eu égard au handicap de l’enfant ou de l’avis des parents, l’établissement justifie le refus de participation par un motif légitime : la sécurité et la santé constituent des motifs légitimes.
  • Lorsque l’élève handicapé ne participe pas physiquement à la sortie scolaire, une alternative virtuelle peut être envisagée. L’établissement, si possible, met en place une liaison à distance pour faire participer l’élève à l’enseignement.
  • Si l’élève ne peut pas participer à la sortie ou au voyage scolaire, ni physiquement ni à distance, il doit être accueilli au sein de l’établissement. Des activités de substitution peuvent être envisagées, de manière à garantir le droit à l’éducation pour tous dans de bonnes conditions.

Textes de référence :