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Entretien avec une ergonome Sorties scolaires : comment mieux prévenir les risques ?Témoignage : Ludovic N., éducateur sportif, victime de harcèlement de la part d’un parent
Depuis quand êtes-vous adhérent à L’ASL ? Et pourquoi avez-vous choisi d’adhérer ?
« Savoir qu’on n’est pas seul en cas de problème dans notre métier, ça rassure un peu. »
Ludovic N. : J’ai adhéré il y a deux ans. Un ami prof de natation qui a vécu une situation très conflictuelle avec sa hiérarchie, qui ne l’a pas soutenu lors d’un conflit avec des parents, a été accompagné par sa délégation. Il a obtenu gain de cause au tribunal administratif. Il m’a conseillé d’adhérer. Je ne regrette pas. Savoir qu’on n’est pas seul en cas de problème dans notre métier, ça rassure un peu.
Pouvez-vous nous parler de la problématique à laquelle vous avez été confronté ?
« Je l’ai rappelé en tentant d’apaiser la situation, mais il ne voulait rien entendre, il est devenu insultant. S’en sont suivis des appels incessants, près d’une centaine de messages et de SMS de sa part, pendant tout le week-end. »
À la rentrée, alors que j’avais la charge d’un groupe de 16 enfants U14, j’ai rencontré des difficultés avec le père de l’un d’entre eux. L’élève en question n’était plus très investi, déjà depuis l’année précédente, et continuait le foot essentiellement pour faire plaisir à son père, mais clairement n’en avait plus envie et m’avait fait part de son souhait d’arrêter. Cela se ressentait d’ailleurs fortement dans ses performances. De ce fait, j’avais pris la décision de ne pas le faire jouer lors d’un match. J’avais déjà rencontré des soucis avec ce parent qui n’acceptait déjà pas le roulement que l’on peut faire d’une semaine sur l’autre, afin que tous les enfants puissent s’entraîner. C’est aussi le genre à s’énerver si son fils ne joue pas au poste qu’il veut. Il incarne parfaitement les dérives de ce qu’on appelle le projet Mbappé. Il a complètement projeté en son fils ses frustrations personnelles et ses rêves de gloire. Il lui met une pression d’enfer, et personnellement, je pense qu’il a fini par dégoûter son fils du foot.
Quand il a appris que son fils ne jouerait pas lors de la rencontre, il m’a immédiatement appelé. Comme je ne répondais pas, parce que je n’étais pas disponible, il a fini par laisser un message très menaçant sur mon répondeur. Je l’ai rappelé en tentant d’apaiser la situation, mais il ne voulait rien entendre, il est devenu insultant. S’en sont suivis des appels incessants, près d’une centaine de messages et de SMS de sa part, pendant tout le week-end. J’allais « payer », il allait me « trouver » et me « faire changer d’avis très vite », me « régler mon compte », etc. Je me suis senti mal. Des parents surinvestis, il y en a partout, j’ai déjà eu affaire à des parents qui remettaient en cause mes choix, qui étaient mécontents, mais c’est toujours resté dans la limite de l’acceptable. En général, ça se règle facilement, on en discute, et le dialogue permet de régler les conflits. Mais là, le père était littéralement en train de « péter les plombs ». Il m’a menacé de mort, et vu le profil du personnage, je le croyais capable de m’agresser physiquement, en effet. Je n’avais qu’une crainte : qu’il trouve mon adresse.
Comment a réagi votre hiérarchie ?
« J’ai échangé avec le directeur pendant le week-end en question, et nous avons décidé d’agir vite. »
Elle a bien réagi. J’ai échangé avec le directeur pendant le week-end en question, et nous avons décidé d’agir vite. Il a pris la décision de suspendre l’entraînement du mercredi qui suivait en guise de soutien et a expliqué pourquoi dans un mail aux familles, condamnant le comportement du père de famille, accompagné de la charte de bonne conduite. Il m’a fortement conseillé de déposer plainte.
À quel moment avez-vous pris contact avec votre délégation ? Quel a été l’accompagnement de L’ASL ?
« J’ai eu immédiatement quelqu’un au téléphone qui a pris du temps pour m’écouter, m’a rassuré, conseillé sur la marche à suivre et orienté vers un avocat-conseil. »
De mon côté, j’ai appelé ma délégation de L’ASL dans la foulée, dès le lundi, pour avoir des renseignements. Pour déposer plainte, je ne savais pas trop comment faire. Et puis, j’avoue, je craignais aussi les représailles, que ça envenime la situation. Donc j’hésitais, j’avais besoin d’un avis. J’ai eu immédiatement quelqu’un au téléphone qui a pris du temps pour m’écouter, m’a rassuré, conseillé sur la marche à suivre et orienté vers un avocat-conseil. Le lendemain, ce dernier me recevait en urgence. Il m’a accompagné dans le dépôt de plainte et indiqué les démarches à entreprendre envers le club pour ma protection. Ça a été rapide. C’est vraiment appréciable d’avoir quelqu’un de disponible tout de suite quand on est en panique et dans l’urgence.
Où en est le dossier aujourd’hui ?
« Je sais que je ne suis pas le seul à vivre ce genre de choses. Depuis quelques années, en France, le phénomène des conflits avec les parents et les violences envers les éducateurs sportifs sont en augmentation partout. »
Le dossier suit son cours. Le père a été entendu. Toutes les preuves – messages, SMS, témoignages – ont été versées au dossier.
Depuis, les entraînements ont lieu à huis clos. L’accès au terrain est interdit aux parents, et le club a décidé d’exclure provisoirement la famille. Mais je ne suis pas serein. Le père a tenté plusieurs fois de me voir, ce sont les autres éducateurs du club qui sont intervenus, lui interdisant l’entrée. Ils m’ont dit de faire attention parce qu’il pourrait me suivre ou m’attendre. En ce moment, je ne sors pas seul du club. Je me demande même si je vais poursuivre l’année prochaine. Je sais que je ne suis pas le seul à vivre ce genre de choses. Depuis quelques années, en France, le phénomène des conflits avec les parents et les violences envers les éducateurs sportifs sont en augmentation partout. C’est fou, car ces comportements vont à l’encontre des valeurs du sport qu’on s’efforce de transmettre au quotidien. Il y a un gros travail à faire dès le début de l’année dans les associations sportives pour prévenir ces attitudes : de l’information, des actions concrètes, de la formation. C’est important que les valeurs d’un club soient partagées par tous, que les parents soient des alliés dans la victoire comme dans la défaite. Si les parents contestent une décision de l’entraîneur ou de l’arbitre, comment les enfants pourraient-ils la respecter ?
* Par souci d’anonymat, le prénom a été modifié