En matière de harcèlement, la preuve de l’infraction est essentielle. Une fois démontrée, quel type de réparation est-il possible d’obtenir ? Une mutation professionnelle est-elle envisageable pour faire face au harcèlement dans l’Éducation nationale ? Me Stephen Duval, avocat-conseil de la délégation du Rhône, livre son éclairage sur cette question.

Maître, en matière de harcèlement, la preuve de l’infraction est essentielle. Comment peut-on être certain de détenir les bons éléments ?

On a tendance à dire que le harcèlement est l’arlésienne du droit : on en parle énormément et finalement, on le voit très peu. Pourquoi ? Parce qu’il est très difficile, souvent dans un contexte professionnel, d’obtenir des éléments de preuve des faits que l’on dénonce. Cela doit souvent passer par des attestations et les éléments objectifs sont très rares. 

En matière de harcèlement, la preuve de l’infraction, c’est-à-dire la répétition des faits qui portent atteinte à la vie privée d’une personne ou à ses conditions de travail, est très difficile à administrer. Mais il ne faut pas se décourager pour autant.

Une fois les faits démontrés, quel type de réparation peut-on attendre ?

La réparation en matière de harcèlement dans l’Éducation nationale est identique à n’importe quelle infraction. Elle est d’abord pécuniaire. Il y a aussi des réparations plus symboliques. La victime a besoin, avant toute chose, de reconnaissance, et la justice peut reconnaître son statut de victime harcelée, tout comme son administration. Le fonctionnaire harcelé peut tout à fait demander à son administration, dans le cadre de la protection fonctionnelle, de reconnaître et d’indemniser le préjudice subi. En pratique, on s’aperçoit que cette position de l’administration aussi est fondamentale en complément de la position de la justice. Cela constitue pour la victime une réparation symbolique importante.

La mutation professionnelle est-elle envisageable pour faire face au harcèlement dans l’Éducation nationale ?

La mutation professionnelle en cas de harcèlement est envisageable, non seulement pour le fonctionnaire victime, mais aussi, le cas échéant, pour le fonctionnaire ou l’agent de l’administration qui aurait commis le harcèlement. L’administration doit protéger la victime dans le cadre de la protection fonctionnelle. Dans ce contexte, pour extraire son fonctionnaire de la situation de harcèlement, elle peut le déplacer. Cette mutation n’a alors aucune répercussion négative sur la carrière de la victime. L’auteur du harcèlement, s’il s’agit d’un collègue ou d’un autre agent de l’administration, recevra une sanction disciplinaire, prise par le recteur ou le supérieur hiérarchique. Et comme toute sanction, elle impactera négativement l’auteur des faits. Celui-ci sera déplacé pour ne plus être en contact avec sa victime. 

Comment intervient l’avocat-conseil de L’Autonome de Solidarité Laïque dans ce cadre-là ?

La prévention du harcèlement est le rôle de l’administration. L’avocat-conseil intervient lorsque les faits sont déjà présents. Il doit avant tout recevoir et écouter. La parole de la victime est fondamentale en cas de harcèlement. Or, trouver un cadre où l’on peut en parler, c’est difficile. À côté de l’importance de la parole, il y a celle de l’accompagnement. Faire reconnaître un fait de harcèlement n’est pas facile. Il est nécessaire d’être épaulé par un professionnel. L’ASL a une grande capacité d’écoute et ses avocats-conseil guident, accompagnent et soutiennent les victimes de harcèlement dans leur combat, parce que c’est un combat judiciaire. 

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